LA PETITE HYDROELECTRICITE EN QUESTION |
||
L’article que Brice Wong a consacré à la construction des barrages, et qui est paru en mars 2000 dans H2O n°34, souligne le fait que l’on doit considérer comme prioritaire la prise en compte de l’élément humain pour tout aménagement. Et ce, surtout si les effets induits ne sont pas évidents à priori ; on pense aux effets sur la santé, par exemple. Dans le cas d'un projet de petite centrale hydroélectrique, auquel pourrait participer H.S.F., il convient, là aussi, de s’interroger sur les avantages et les inconvénients de la réalisation. |
||
Quelle est la place de la petite hydroélectricité comme réponse aux besoins énergétiques existants ? Quels sont les facteurs humains qui conditionnent son développement ? Faut- il promouvoir cette filière technologique ? Quel est son impact social ? Aujourd’hui, l’hydroélectricité fournit de l’ordre de 20% de l’énergie électrique mondiale, avec une grande disparité selon les pays. La part des petites centrales, celles qui nous intéressent ici, est d’environ 4% de la production hydroélectrique globale. Ce sont des centrales de moins de 10000 kW de puissance (10 MW ). Plus précisément, on distingue les micro centrales jusqu’à 100 kW et les mini centrales au dessus. LES ATOUTS On a affaire à une énergie renouvelable, sans émission polluante à effet de serre, évitant le recours à une énergie fossile forcément limitée. La production est décentralisée à proximité de l’utilisation. Le matériel est robuste et a fait ses preuves. L’exploitation est simple. L’automatisme en facilite la conduite et la surveillance. De plus, la technique se perfectionne. Ainsi, pour diminuer le coût des investissements, un gros effort de simplification et de standardisation des équipements est en cours. Pour supprimer les dommages à la faune piscicole traversant les machines, de nouvelles dispositions constructives sont imaginées. Pour maintenir la qualité de l’eau, des dispositifs innovants sont mis en œuvre afin d’exclure l’utilisation de fluides polluants, tel que l’huile, dans les parties des machines en contact avec l’eau turbinée. Bref, le matériel répond aux exigences des utilisateurs, partout où existe un potentiel à équiper. LES RETICENCES Que
ce soit pour équiper une chute d’eau naturelle ou au fil de l’eau, un
aménagement hydroélectrique comprend un ensemble d’ouvrages : les ouvrages
de retenue (prise d’eau, barrage), d’amenée (galerie, canal, conduite),
de production (turbine, alternateur), de transport de l’électricité (transformateur,
ligne). Même simplifié à l’extrême, cet ensemble représente un investissement
de départ important. Le coût initial condamne souvent le projet. Pourtant,
si l’on tient compte du coût réduit d’exploitation, cette forme d’énergie
est très rentable à terme. Un second point faible est de nature environnementale.
Des associations de défense de l’environnement s’opposent vigoureusement
à la réalisation de nouveaux équipements en faisant valoir, comme arguments,
le suréquipement et le bétonnage des cours d’eau, la modification des
écosystèmes, la destruction de la biodiversité des milieux aquatiques,
le sacrifice des lieux humides… L’image négative de l’impact des centrales
sur le milieu s’explique historiquement. En France, par exemple, on a
assisté, au cours des 150 dernières années, à une réduction accélérée
de nombreuses espèces de poissons (a). En effet, un barrage constitue
un obstacle à leur migration. Les petits aménagements ne font pas exception.
Or, les migrateurs remontent les cours d’eau pour la ponte (montaison)
et les jeunes poissons les descendent pour rejoindre la mer (dévalaison).
Ces espèces disparaissent des cours d’eau. La multiplication des obstacles
à la libre circulation est aggravée par la surexploitation de la pêche
et la dégradation du milieu aquatique. Pour remédier à la situation, la
loi impose un débit réservé et fait obligation d’assurer la libre circulation
du poisson et le suivi de la population piscicole. Pour cela, des ouvrages
de franchissement et de comptage ont été développés. Aujourd’hui, les
passes à poissons sont efficaces pour la migration de montaison quand
elles sont bien conçues, bien implantées et entretenues. En revanche,
il est plus difficile d’assurer la descente des juvéniles à cause des
dommages subis lors des passages dans les déversoirs et les turbines.
Les dispositifs assurant la migration de dévalaison n’ont qu’une efficacité
partielle et doivent être améliorés. En conséquence, il est raisonnable
de n’envisager qu’un nombre limité de petites centrales sur un cours d’eau
où l’on cherche à protéger ou restaurer le stock d’une espèce migratrice.
Une décision d’aménagement n’est jamais neutre. Des mesures correctives
doivent être prises pour en limiter les conséquences négatives. Cela est
souvent possible, mais a un coût. Or, en matière de police de l’eau, les
nombreux intervenants ne sont pas toujours d’accord. LES PERPECTIVES L’avenir des petites centrales est fonction du contexte du pays concerné. Pour simplifier, on distinguera trois situations : - Les pays industrialisés, déjà bien équipés.Certes, des sites restent envisageables. Un mouvement se prononce en faveur des petites centrales. La communauté européenne les préconise dans un Livre Blanc sur les énergies renouvelables. En
France, le rapport Cochet, remis au premier ministre en septembre 2000,
propose une augmentation sensible de celles-ci : de 1500 à 2000 unités,
environ.
- Les pays ruraux. |
||
|
![]() ....jusqu'à la turbine Pelton moderne |
|
Grâce aux petites centrales, l’électrification s’accompagne, depuis les années 70-80, de la création de petites industries et artisanats qui facilitent le "décollage" des populations. La promotion d’appareils domestiques efficaces, comme les cuiseurs de riz de faible puissance, limite le recours au bois, en valorisant la production des heures creuses. Dans les pays en voie de développement, la demande pour accroître l’électrification rurale est énorme, car seulement 5% de la population a accès à l’électricité. Mais l’investissement pour la petite hydroélectricité est souvent hors de portée. Il arrive couramment que le choix se porte sur une centrale diesel, moins chère à l'investissement. Et pourtant, plusieurs études démontrent qu’une petite centrale hydraulique est d’un coût global 2 à 3 fois moindre sur 10 ans, si on la compare à un groupe électrogène de même puissance électrique, par ailleurs éminemment polluant. La solution ne peut que résulter d’une coopération internationale, avec transfert de technologie et fabrication locale de composants simples Bref, une volonté politique forte et un énorme effort d’information et de formation sont nécessaires pour que cette énergie renouvelable contribue au développement économique et social des zones rurales. EN RESUME Aujourd’hui, du fait d’une réticence de l’opinion et d’un excès de réglementation, la petite hydroélectricité est entrée globalement dans une phase de relative stagnation. Or, c’est une énergie renouvelable pouvant satisfaire un besoin local avec un impact social et environnemental maîtrisé. Dans les pays en voie de développement, les micro-centrales sont susceptibles de répondre, en divers endroits, à l’énorme demande d’électricité, quand les conditions hydrologiques s’y prêtent. En d’autres lieux, d’autres énergies sont mieux adaptées : soit l’énergie solaire, soit l’énergie éolienne, soit la biomasse dans la mesure où, pour cette dernière, sa consommation est équilibrée par des plantations équivalentes. Mais l’électrification rurale décentralisée des villages isolés produit un kWh à un prix supérieur à celui des grands réseaux, même à partir d’une énergie renouvelable bon marché (c). D’où un problème de coût ! Cependant, ne doit-on pas contribuer fortement à la promotion de ces énergies renouvelables partout où cela est possible ? Daniel
MILAN,
(a) Petits aménagements et libre circulation des poissons migrateurs -
M. LARINIER - F. TAVADE - La Houille Blanche - n°8-1998. |