LES COMPAGNONS DE ROUTE

La planète "H.S.F." est bien diversifiée - et avec bonheur ! Les contacts personnels, les assemblées générales, les articles du journal H2O rendent compte de cette variété des acteurs par l'âge, le sexe, le mode d'intervention et la personnalité ; chacun concourt à sa façon au travail de l'association. Peut-être fallait-il parler un jour d'une autre catégorie : les "compagnons de route", pour reprendre une dénomination politique - plus exactement les compagnes et compagnons des intervenants H.S.F., qui parfois participent aux missions. Je l'ai vécu personnellement avec un mélange de joie et de mauvaise conscience : à quoi peut-on servir quand on n'a rien à voir avec l'hydraulique ?

Très prosaïquement d'abord, il n'est pas déshonorant d'assumer l'intendance de base et de contribuer à un certain bien-être matériel et psychologique du conjoint et de l'équipe, tant il est vrai que souvent les journées de travail harassantes ne laissent guère la possibilité de songer même au minimum : ce sera non seulement la salade préparée mais aussi la réflexion commune sur les divers aspects de la mission, car, on le sait, tous les problèmes ne sont pas d'ordre technique.

Comme l'écrit Marion Baudu qui accompagnait Bertrand Gonthiez au Honduras : "C'est partager avec le conjoint, les découvertes, les bonheurs et parfois les vicissitudes de la mission, s'enrichir mutuellement de ces moments vécus à deux... intégrer le monde de l'autre au travail et avoir le bonheur de pouvoir concrètement l'épauler dans un domaine qui jusqu'alors lui était réservé". L'expérience d'Elisabeth, épouse de Moïse Chauvin, qui l'accompagnait au Burkina-Faso est bien significative de la complémentarité au sein d'H.S.F. : sa présence, liée à diverses activités, prenait tout son sens.

- Côté intendance : aller faire le marché à 60 km, trois fois par semaine, avec le chauffeur, a permis de libérer les autres des soucis d'approvisionnement ; et faire la cuisine avec les femmes contribuait à créer des liens, car le travail en commun peut gommer bien des barrières du langage.

- Travail sur le chantier : porter des pierres, c'est bien sûr apporter son aide matérielle, mais aussi témoigner de sa bonne volonté, donner un exemple, une image nouvelle des Européen(ne)s... Elisabeth a aussi accompagné Tony Rouge au collège local pour prévoir l'hébergement des élèves qu'il emmènera là-bas, l'an prochain : les graines de l'entraide se sèment tôt ! Les jeunes élèves burkinabés parlent bien le Français et, au-delà des facilités de communication, on peut espérer véhiculer des idées porteuses de liberté, de progrès, d'amitié. Même le gardien de la case en a profité : grâce aux livres d'enfants qu'Elisabeth avait apportés, il était tout heureux et fier, au terme du séjour, de pouvoir lire un livre français. L'expérience était donc si riche qu'elle souhaite la renouveler : une prochaine fois, les contacts pourront se poursuivre plus facilement, s'approfondir ; d'autres activités, comme le travail de la poterie, pourront être abordées...
Par ailleurs, sur le plan relationnel, une présence attentive peut, à elle seule, contribuer à créer des liens avec les populations locales. Les enfants permettent toujours un échange avec les femmes : celles du Burkina-Faso qui travaillent avec le petit dernier accroché dans le dos, joyeuses d'entendre Elisabeth les saluer dans le dialecte "gourmanché" - celles du Honduras, vives et curieuses, avec lesquelles "les regards et les rires savent dompter la barrière des langues" dit encore Marion quand l'espagnol se fait insuffisant. Mais la question essentielle reste celle-ci : les quelques relations de séjour que j'ai collectées dénotent la satisfaction de l'accompagnateur: "chance de vivre un tourisme participatif, moins consommateur" - "recevoir les marques d'accueil de l'étranger qui vous dit "bien Biella" ( bonne arrivée). Faut-il considérer que ce profit ne renvoie égoïstement qu'à nous-mêmes ? Nous ne le pensons pas : tout ce qui nous améliore et nous transforme est redonné à autrui. La conscience plus aiguë d'autres civilisations, la compréhension plus concrète des problèmes des pays en voie de développement nous arrachent à notre "bulle" préservée, modifient notre optique, notre comportement et notre discours. L'évolution des hommes se fait de ce tissage obscur, non mesurable mais bien réel, en lequel nous voulons croire. Il n'est peut-être pas inutile qu'il y ait, à côté des actifs d'H.S.F., ces compagnons de route - témoins.

Michèle CHARTIER.