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Mission dans la province nord de la République Sud Africaine

A la demande de RENAPAS (RENcontre Avec le Peuple d'Afrique du Sud), nous nous sommes rendus dans la province du Nord de la République Sud Africaine afin d’établir un programme de coopération entre cette dernière et la région Rhône-Alpes en France.

La finalité de notre mission était de mettre au point un projet pour l’alimentation en eau potable des populations rurales, particulièrement défavorisées à ce niveau. Nous avons donc mené une enquête pour d’une part comprendre les besoins de la population, et d’autre part, établir un état des lieux en matière d’alimentation en eau (nature des prélèvements existants, état des installations, intérêt de valoriser davantage les ressources exploitées ou d’en prospecter d’autres).
Déroulement de la mission
Notre première journée sur place est consacrée aux rencontres avec les autorités locales à Pietersburg où nous prenons connaissance de la situation générale de la province.
Les jours suivants, depuis notre pied à terre à Pietersburg, nous nous rendons sur le terrain, accompagnés de William Madosela et d'Andreas Mamabolo du gouvernement local. Ils organisent le planning des réunions et sont nos interprètes auprès des villageois. Sur place, après avoir pris connaissance des problèmes auprès des comités d’eau et des chefs de villages, nous visitons quelques installations. Nous avons visité au total quinze municipalités (groupement de plusieurs dizaines de villages). Celle de Greater Mankweng reflète bien la situation.

Situation générale :
La province du nord (6,5 millions d’habitants) est une des plus pauvres d’Afrique du Sud. Administrée par Pietersburg, elle est constituée essentiellement de zones rurales où vit 86% de la population. La plupart de ces zones rurales sont d’anciens « Bantoustans » ou « Homelands », zones d’habitats réservées aux noirs, créées à l’époque de l’Apartheid. Dans les villages, caractérisés par un habitat très dispersé, les infrastructures sont encore très peu développées et l’alimentation en eau potable des communautés est un problème majeur. L’exploitation de l’eau souterraine, qui constituait jusqu’à présent l’unique source d’eau potable pour la population rurale est actuellement mise en défaut par la vétusté des installations et la croissance démographique.

D’importants travaux, consistant à acheminer l’eau depuis des barrages, des prises en rivière ou des nappes phréatiques suffisamment productives sont en cours de réalisation dans plusieurs districts de la province. Cependant, le raccordement des villages les plus isolés à ces grands schémas d’adduction d’eau n’est envisageable qu’à long terme. D’autre part, l’éloignement de cette nouvelle ressource par rapport aux agglomérations et la dispersion de l’habitat en zone rurale rend ces projets très coûteux et beaucoup d’entre eux sont actuellement interrompus faute de crédits suffisants pour terminer les travaux.

Visite de la municipalité de Greater Mankweng
Comme partout en zone rurale, la seule ressource a toujours été l’eau souterraine. Le village où nous avons rendez-vous utilise actuellement deux puits situés dans un aquifère productif mais dont l’équipement est sous-dimensionné. L’un, situé à 4 km du village est seulement équipé d’une pompe à main. L’autre est muni d’une pompe diesel mais ne fonctionne en moyenne qu'une fois par semaine car l’argent pour acheter le carburant fait défaut. D’autre part, lorsque ce pompage est en marche, il ne permet pas de remplir le réservoir. En effet, la conduite qui sert à le remplir est aussi celle qui distribue l’eau aux habitants. Le jour où la pompe fonctionne, tous les robinets branchés sur cette conduite sont ouverts et la pression n’est plus suffisante pour que l’eau puisse arriver au réservoir et aux habitants situés les plus en hauteur.
L’infrastructure actuelle ne peut pas subvenir à la totalité des besoins de la population et un apport d’eau supplémentaire est nécessaire. D’autre part, comme souvent en zone rurale, aucun mode de facturation pour l’eau n’a jamais été mis en place. C’est donc le gouvernement qui subventionne complètement le système mais cet argent ne permet pour l’instant que de payer l’eau achetée à l’extérieur, son transport, et le diesel pour la pompe. Pour nous montrer un cas concret illustrant bien les problèmes, les villageois nous emmènent voir les femmes faire la lessive.
Elles puisent l’eau au seau, dans un trou creusé dans le  sable à environ un mètre de profondeur. Même si cette nappe est actuellement sous-exploitée,  nous remarquons que c’est la fin de la saison sèche mais que l’eau reste abondante. Pourtant, à environ 100m de ce puits artisanal, deux forages attendent toujours d’être équipés d’un système de pompage.
Nous avons très souvent rencontré cette situation. La ressource en eau existe, mais ce sont les moyens pour l’exploiter correctement et les compétences locales pour entretenir les installations qui manquent.

ANNEXE : La situation actuelle des zones rurales découle de la politique de l’Apartheid :
La loi sur l’habitat séparé (1950) stipulait que des millions de noirs, représentant environ les trois quarts de la population, devaient obligatoirement vivre sur seulement 7,5% du territoire. En 1959, ces zones furent baptisées « bantoustans ». En dehors de ces domaines réservés, qui étaient invivables et surpeuplés, il leur était interdit d’acheter, de louer ou même de devenir métayers. Ils furent donc forcés d’abandonner le travail de la terre et d’aller travailler comme ouvriers sous-payés là où les blancs avaient besoin de main-d’œuvre : dans les mines et les grandes exploitations agricoles. Des déplacements incessants entre les zones de travail et les bantoustans étaient donc nécessaires. Les noirs étaient soumis à un régime de passeport qu’ils devaient pouvoir montrer à tout moment. Après des années de lutte, l’ANC remporta les élections en 1994 et un long processus de restitution commença pour permettre enfin aux populations expropriées d’avoir accès à la propriété. Malheureusement, l’abolition de l’Apartheid n’effaça pas d’un trait des années d’exploitation et, les zones rurales, particulièrement pauvres, sont toujours le siège d’une forte migration de la main d’œuvre masculine. Les seules activités qui y subsistent sont l’élevage très extensif et quelques cultures soumises au régime de sécheresse.

Patrick Laffly