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Editorial

Il est bien des ruisseaux et des sources pour faire un fleuve, et bien des gens pour faire vivre HSF. Qu’est-ce qui fait couler ce fleuve-là, qu’est-ce qui fait donc courir pour HSF ? Si convaincus que nous soyons tous, implicitement, peut-être faut-il prendre un moment pour réfléchir à ce qui nous unit dans cette action. Et si c’était simplement une question de conscience ?

- La conscience des autres, géographique d’abord : habitants privilégiés d’un pays fertile, à l’abri le plus souvent des grandes catastrophes (malgré les récents désastres dans notre midi) nous ne pouvons fermer les yeux sur les désertifications du Sahel, les inondations meurtrières au Bangladesh ou les ravages du cyclone « Mitch ». Ni fermer les yeux, ni surtout baisser les bras, en alléguant que c’est si loin…Cette conscience géographique s’exerce tout particulièrement pour ceux qui peuvent aller sur le terrain : loin des formules figées du tourisme consommateur, ils accèdent ainsi à une connaissance authentique des gens, des pays …tout en servant une cause !

- La conscience des autres va encore au delà, et la technique hydraulicienne est bien peu de chose si elle ne prend pas en compte l’être humain tout entier : HSF s’implique le plus souvent dans des pays en voie de développement et ses acteurs sont amenés à œuvrer dans le sens d’une participation démocratique, à poser des questions sur l’impact social de leurs travaux. Notre conscience, dans sa modeste part, doit toucher aussi à l’économie, l’ethnologie, la santé, l’éducation et cette approche pluridisciplinaire n’est pas le moindre intérêt de l’organisation.

- La conscience des autres s’exerce au plus proche aussi : dans le travail des missions en binômes qui associent jeunes et seniors, les générations différentes s’enrichissent par un rapport réciproque d’expérience, d’échange technique, d’enthousiasme, de psychologie appliquée également !
- La conscience du temps nous réunit encore, essentielle à une époque où l’on « zappe » trop aisément. Nous savons que nous sommes les héritiers d’une longue culture technique, héritiers et surtout dépositaires. Il nous faut ainsi transmettre les savoirs et les savoir-faire auxquels nous avons eu la chance d’accéder, aider à construire dans la durée une terre plus habitable, sauvegarder ses potentialités, lutter contre les dégradations diverses.

- La conscience de soi, enfin, n’est pas synonyme d’égoïsme – conscience de ses compétences, et joie de pouvoir les approfondir, les exercer utilement, que ce soit le jeune ingénieur ou technicien, impatient de se réaliser, que ce soit le (semi)retraité,toujours passionné qui a encore à donner, que ce soit le « compagnon de route » sans connaissance en hydraulique, mais qui trouve tant de joie à aider quelque part dans l’amitié. Cette conscience coïncide avec la générosité des jeunes, avides de se dépenser, de trouver des possibilités que n’offrent pas les emplois traditionnels et de se forger ainsi une expérience riche et irremplaçable – avec les aspirations des aînés également : après une vie professionnelle qui a souvent comporté bien des contraintes, c’est dès lors l’occasion d’entreprendre quelque chose de librement choisi, se fixant pour seules limites le but commun auquel on adhère en toute indépendance.

Selon les philosophes de la Grèce classique, le maximum de conscience au monde était la condition d’une vie réussie et du vrai bonheur. Il semble bien que ce soit le goût de ce bonheur-là qui au bout du compte, fasse courir les gens pour HSF !
 

Michèle CHARTIER