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Des labyrinthes pour les barrages

La longévité des barrages en terre dépend essentiellement de deux facteurs : la qualité de compactage de la digue et le bon dimensionnement de l’évacuateur de crue. En effet, la sensibilité à la submersion et à l’érosion de ces barrages fait de l’évacuateur un organe important pour la sûreté. Il représente également une part significative du coût total de l’ouvrage.
Lors de la conception de l'évacuateur de crue, l’ingénieur doit prendre en compte les conditions de terrain pour faire passer la crue de projet en toute sécurité, tout en limitant les coûts.

HSF, dans ses projets de petits barrages hydro-agricoles en Afrique, s’est attaché à dimensionner (ou re-dimensionner) avec soin des évacuateurs de crue : déversoir à Imgoun (Maroc), déversoir-poids à profil de Creager à N’Dieo et Tachott-Botokolo (Mauritanie), réparation de brèches et évacuateurs à Goudiry (Sénégal), et déversoir en labyrinthe à Tambolo et Coalla (Burkina-Faso). (Voir les articles dans les anciens numéros d'H2O.)

Ce dernier type de déversoir (en labyrinthe ou en créneaux) permet un bon  compromis entre le besoin d’une grande capacité de déversement et la largeur limitée de l’emplacement disponible sur le terrain. De plus, son coût peu élevé par rapport aux “ gated spillways ” (déversoirs à vannes), sa simplicité d’utilisation en font une solution intéressante.
Cette solution en labyrinthe est également avantageusement utilisée dans des ouvrages de déversoir ou de protection pour les canaux et usines électriques au fil de l’eau.

Parmi les grands barrages équipés d’évacuateurs en labyrinthe, on peut citer :
Ute dam, USA    Q = 15 600 m3/s
Bartletts Ferry dam, USA    Q = 5 920 m3/s
Avon dam, Australie   Q = 1 420 m3/s
Barrage de Cimia, Italie    Q = 1 100 m3/s
Beni Bahdel, Algérie   Q = 1 000 m3/s
Mercer dam, USA    Q = 239 m3/s

Le principe du labyrinthe

On appelle “ déversoir en labyrinthe ” un déversoir dont la crête n’est pas rectiligne, mais en forme "d’accordéon". Ainsi, pour une même largeur totale d’évacuateur, le labyrinthe permet d’avoir une longueur de crête plus grande qu’un déversoir droit.

Le déversoir doit être un mur assez fin permettant une chute libre de la lame et une bonne aération pour les faibles hauteurs de déversement.
 

A Tambolo, nous avions repéré en rive droite, au droit de l’emplacement prévu pour le barrage, un affleurement rocheux de granite sain. En décapant la terre végétale sur 1,5m de profondeur, nous avons mis à jour le rocher sur une surface de 30x30m. La largeur de 30m n’était pas suffisante pour une solution économique d’évacuateur de crue classique rectiligne pour débiter les 86 m3/s nécessaires.

La solution en labyrinthe choisie a permis de développer environ 70m de crête, ce qui correspond, pour une hauteur de déversement de 0,5 m à un débit maximal de 200 m3/s

Il est assez délicat de faire un calcul mathématique de débit sur les déversoirs en labyrinthe, en raison de leur forme complexe. De plus, selon la hauteur de déversement au dessus du seuil, le régime du flux passe d’un état laminaire aéré à un état partiellement aéré, transitoire, puis non-aéré. Dans ce dernier cas, le labyrinthe peut être complètement submergé, ce qui restreint considérablement sa capacité de déversement. La vitesse d’évacuation à son aval immédiat s’en trouve également diminuée.

Pour faire des prévisions de comportement de ces déversoirs, de nombreux modèles réduits expérimentaux ont été étudiés.
Ainsi, on détermine l’influence des différents paramètres dimensionnels du seuil et du flux sur le coefficient de débit. Celui-ci augmente lorsque certains rapports de dimensions augmentent. On peut écrire :

Q = C.W.H0.(g.H0) (1/2)

Q est le débit par cycle, C une fonction des dimensions du déversoir et H0 la hauteur totale de chute

Les expériences montrent encore que la forme de crête en quart de cercle est aussi la plus avantageuse. Avec les modèles réduits, on a également pu étudier les paramètres hydrauliques et montrer que l’orientation amont-aval du flux d’arrivée est importante dans la répartition des débits sur chaque cycle pour optimiser le rôle de la forme en labyrinthe.

La détermination de la longueur A conditionne l’entrée du flux dans le labyrinthe et un surdimensionnement peut entraîner une perte de performance de 18% par effet de “entrance head loss”. Une façon de diminuer cet effet de perte due à l’approche et l’entrée dans le labyrinthe est de la prolonger le plus possible vers l’amont dans la retenue. Ainsi, le flux n’a pas besoin d’être canalisé avant de passer le seuil.

A l’aval, il convient de faciliter l’évacuation du débit en abaissant le niveau au sol, et même, en lui imposant une pente lorsque cela est possible. L’installation d’aérateurs de la lame d'eau peut également constituer un atout dans ce sens. Le choix du nombre de cycles doit être optimisé entre le débit recherché et le coût. Mais un grand nombre de cycles entraînera une augmentation des interférences entre les lames déversantes et une baisse de performance.

Quynh-Anh Pham Ngoc