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L’éducation au développement :
une lecture des programmes de l’Education Nationale pour le second cycle.

Un texte paru au Bulletin officiel de l’Education nationale en date du 9/9/98 rappelle dans son introduction que “ l’éducation au développement et à la solidarité constitue un élément essentiel de l’apprentissage à la citoyenneté. Elle vise à faire prendre conscience aux élèves de l’interdépendance des régions du monde, de la solidarité entre les peuples dans le processus de mondialisation en cours et plus particulièrement de la réalité économique, sociale et culturelle des pays en voie de développement ”.

Si l'éducation au développement concerne en particulier l‘enseignement de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique - comment faire comprendre la complexité du monde d’aujourd’hui, et les grands enjeux qui interpellent notre citoyenneté sans un regard critique sur l’histoire depuis 1945, dans sa continuité comme dans ses ruptures ? - elle ne saurait laisser indifférentes les autres disciplines (sciences économiques et sociales, sciences de la vie et de la terre en particulier). C’est pourquoi nombre d’équipes d’enseignants ont choisi de former les élèves dans une pédagogie qui s’ouvre hors des murs de la classe : dans le cadre des clubs “Tiers-Monde”, ou de projets éducatifs variés.

On ne peut agir sans comprendre, ni comprendre sans connaître. L’histoire mais aussi la géographie, laquelle apprend à déchiffrer l’organisation des territoires et leurs interactions au sein du “village-monde”, aident à asseoir les fondements d’une éducation au développement.

En géographie

La notion de développement se construit dans sa complexité, dès la 6ème et jusqu’en terminale.
En effet, déjà en 6ème, l’élève se familiarise à la notion de “Sud”, l’appréhende à partir d’une réflexion sur l’inégal développement démographique et sur les aspects criants des contrastes de ses villes. Les documents abondants dont il dispose, lui permettent, s’il est bien accompagné, de comprendre les relations entre la maîtrise démographique et ses corollaires : la difficile maîtrise de l’urbanisation, ou la pauvreté de masse, si propice à engendrer les fléaux des pandémies comme ceux de la violence sous toutes ses formes. Plus tard, en 5ème et 4ème, un parcours à travers les continents lui montre la grande diversité de la réalité mondiale. Il comprend alors qu’il n’y a pas un, mais des “Sud”, et se familiarise avec l’extraordinaire diversité culturelle du monde. La classe de troisième lui permet de donner sens au monde dans lequel il vit, de comprendre son organisation et de s’interroger sur des problèmes graves qui le traversent, frappant plus durement certaines parties de la planète que d’autres. Ainsi, leçon après leçon, l’étude de documents variés lui montre combien la notion de développement est complexe. Il voit les limites des seuls critères du PNB ou PIB bruts ou même par habitant, et de leur traduction cartographique et apprend à travailler sur d’autres critères plus fiables, l’IDH (indicateur de développement humain) ou l’IPH (indicateur de pauvreté humaine). Ainsi, il comprend qu’appréhender le niveau de développement d’un pays ne consiste pas seulement à considérer ses seules ressources monétaires mais le bien-être humain dans ses paramètres les plus fondamentaux : la santé, l’éducation, le logement, et les droits de l’homme. Alors, le jeune élève, futur citoyen, voit qu’un pays, même s’il peut nourrir suffisamment sa population, ne réussit pas toujours, faute d’un budget national suffisant ou correctement réparti dans ses priorités, à assumer la scolarisation de ses habitants, ou une politique de santé publique permettant une espérance de vie moyenne supérieure à 70 ans. Il découvre que les frontières du “mal développement” s’étendent jusqu’en Europe, et pas seulement dans les pays de l’ex-URSS, mais touchent certains états ou certaines régions de l’Union européenne : le Portugal, la Grèce n’ont-ils pas un taux d’analphabétisme touchant plus de 5% de la population adulte ? Il comprend aussi que la pauvreté sous toutes ses formes, rattrape les habitants au cœur même des pays les plus développés, qui, s’ils assurent la majeure partie des échanges du monde, des biens tangibles, des produits financiers, des informations, des services, des produits culturels, semblent peiner pour endiguer la montée des drames humains d’un “quart-monde” qui interpelle les principes d’égalité et de solidarité, valeurs intangibles de la démocratie.
 

Les programmes d’histoire

Tant au collège qu’au lycée, ils permettent d’étudier l’évolution des relations internationales du 19éme siècle à nos jours. Qu'il s'agisse de la colonisation, de l’indépendance politique, de la naissance du Tiers-Monde dans sa revendication d’indépendance par rapport aux deux grands modèles idéologiques de l’après-guerre, de l’ambiguïté de l’aide publique et de la création des ONG, le regard de l’histoire est indispensable pour que l'élève comprenne et modifie ses représentations. En fin de parcours, l’élève est invité à s’interroger sur le bilan actuel. On ne parle plus de Tiers-Monde, ni de pays sous développés, ni même du Sud mais des Suds, et l’on voit que les plus pauvres se sont encore appauvris, rendant ainsi l’aide au développement plus urgente que jamais.

En fin de cursus, l’élève qu’il vienne de l’enseignement général, technique ou professionnel, pourra être interrogé sur la problématique du développement. Une des questions du baccalauréat de géographie en juin 1999 concernait les rapports entre population et développement à travers l’exemple de la Chine et de l’Inde.
Cette double réflexion conduite en histoire comme en géographie est bien évidemment  relayée par le programme d’éducation civique et devrait conduire presque naturellement l’élève à s’engager dans des actions concrètes.

L’éducation civique

Son enseignement est obligatoire dans les collèges. Et depuis la rentrée de 1999, elle est relayée désormais dans tous les lycées par l’éducation juridique, économique et sociale. Composantes majeures de l'éducation à la citoyenneté, leur enseignement n’est certes pas réservé aux seuls professeurs d’histoire et de géographie, mais devient l’affaire de tous. Leurs programmes respectifs ne pourraient trouver leur pertinence sans interpeller le jeune sur sa façon d’être au monde et son engagement personnel ou collectif pour le rendre plus habitable.
Les notions de tolérance, de respect absolu de l’autre, de solidarité, de droit de l’homme, de développement durable y sont développées et de façon la plus concrète possible, trouvant écho au travail de toute autre discipline. S’appuyant sur l’utilisation du débat démocratique, elle est par excellence, la discipline permettant des rencontres avec des spécialistes, et incite à des engagements concrets. Les grands thèmes du programme renvoient d’abord à la vie quotidienne mais il n’y a pas d’éducation à un développement réel et donc durable qui ne commence par un apprentissage à une citoyenneté ici, avant qu’elle puisse s’ouvrir à l’autre, là-bas. Et les enseignants sensibilisés au problème du développement amènent très facilement leurs élèves à s’interroger et s’engager sur des projets qui dépassent les frontières. C’est dans ce contexte qu’il convient de montrer l’intérêt de l’action des ONG, de la professionnalisation de leurs intervenants, qui en font à la fois des experts et des témoins majeurs de ce que doit être une éducation au développement. Leurs actions, parce qu’elles sont ponctuelles et ciblées, collent au plus près de la réalité et de ce fait, sont accessibles à des jeunes. Le caractère même des projets permet de mesurer en temps réel les difficultés rencontrées, comme les progrès réalisés, forcément indissociables dans une telle démarche. Cet aspect concret de l’engagement devrait permettre à des élèves, groupe-classe, ou volontaires d’un foyer ou d’un club, de participer à une action sur le terrain, tout en comprenant aussi que les ONG ne peuvent seules régler les inégalités et que les citoyens doivent également interpeller les pouvoirs publics sur cette question.

La formation des enseignants

La formation initiale des jeunes professeurs est du ressort de l’IUFM et renvoie aux programmes. La formation continue doit pouvoir offrir aux professeurs volontaires matière à se former en permanence sur les problèmes du Sud et sur la question de la solidarité. A côté de la nécessaire auto-formation réalisée par des lectures, des rencontres ou des engagements personnels, des formations plus institutionnelles existent.

Si les professeurs connaissent bien la structure DARIC (Délégation Académique aux Relations Internationales et à la Culture) qui œuvre dans chaque rectorat d’académie  pour faciliter les échanges internationaux conduits majoritairement dans le contexte européen, ils ignorent souvent sa mission  de partenariat éducatif  “Nord-Sud”. Or cette mission spécifique est le fruit d’une collaboration entre les ministères de l’éducation nationale, de l’agriculture, et des affaires étrangères. Ainsi, tout établissement peut présenter un projet pédagogique, qui, en prenant en compte la dimension d’éducation au développement, prévoit une action d’aide touchant une école d’un pays du Sud.
La prise en compte par l’institution d’un tel projet élaboré en commun par les deux établissements, peut faire appel à des partenariats extérieurs, ou s’insérer dans des actions plus vastes conduites par des collectivités locales. Son financement peut compter sur une participation du ministère de l’éducation nationale dès lors que la part d’auto-financement atteint 50% du coût total. Dans chaque académie, des professeurs peuvent donc entrer en contact avec la DARIC et présenter un tel projet.

L’éducation au développement est donc une exigence de notre système éducatif. Et tout enseignant motivé sait pouvoir trouver auprès de sa structure académique des renseignements pour pouvoir se former et conduire avec ses élèves des projets concrets qui associent des actions tangibles et une éducation fondée sur la compréhension de mécanismes complexes comme sur la confrontation des idées. Une organisation comme HSF peut être le partenaire idéal pour épauler un projet conduit par une classe. Mais il convient qu’elle se fasse connaître par une action de communication efficace, auprès des établissements scolaires. Elle est servie par des membres actifs, où se côtoient des jeunes dont le langage est facilement compréhensible par des élèves, des anciens, dont l’expérience et la motivation bénévole ne peuvent qu’interpeller ces mêmes jeunes et la présence d’enseignants ou d’anciens enseignants férus de pédagogie est aussi un atout supplémentaire qui doit permettre à des équipes de démarrer des relations avec les établissements scolaires français et les régions où sont implantés les projets HSF.

Marie-Claire GACHET