Une équipe de jeunes chercheurs, doctorants au CNRS et au CEA, a fondé une association nommée BHD. Ils sont venus rencontrer HSF sur la recommandation d'Alain Cadiou (directeur des relations internationales de l'Agence de l'Eau Seine-Normandie) pour essayer d'élaborer un projet de coopération à long terme. Composée d'une équipe pluridisciplinaire (nutrition, santé, environnement), cette association veut mettre ses compétences au service de l'Homme et de son développement.
L’association Biotechnology for Human Development (BHD)contribue au développement de bioprocédés dans les domaines de la santé et de la nutrition. Son objectif est la diffusion de bioprocédés accessibles au plus grand nombre dans un environnement écologique et socio-culturel préservé. L’eau douce est une ressource rare de la planète dont la maîtrise sera l’un des enjeux majeurs des prochaines décennies. Ainsi, des millions de personnes dans les pays d’Afrique n’ont pas accès à l’eau potable, notamment en milieu rural. Dans ces pays, l’eau est le principal vecteur de maladies (choléra, parasitoses...). Seconde cause de mortalité infantile après le paludisme, le manque d’eau potable est un véritable problème de salubrité publique. Dans ce contexte, l’objectif de BHD est de mettre au point un procédé simple et efficace de purification de l’eau, peu coûteux et pouvant être autogéré par les villageois.
Un
procédé naturel de purification de l’eau est basé
sur l’utilisation d’un arbre tropical, Moringa oleifera, originaire d’Asie,
et aujourd’hui répandu dans toute l’Afrique de l’Ouest, où
il est apprécié pour la qualité nutritionnelle de
ses feuilles et ses propriétés médicinales. Par ailleurs,
ses graines contiennent une protéine qui, mise en solution dans
l’eau, se comporte en polyélectrolyte (tel le sulfate d’aluminium)
et permet la sédimentation des particules en suspension dans l’eau.
Ainsi, en introduisant des graines broyées dans une eau trouble,
on obtient en quelques heures une eau limpide en surface, débarrassée
des boues, bactéries ou virus qui sédimentent au fond. D’autre
part, les graines contiennent une huile alimentaire d’excellente qualité.
Depuis quelques années des chercheurs se penchent sur l’intérêt
d’une utilisation bifonctionnelle des graines de Moringa. Il s’agit, d’une
part, d’extraire à partir des graines une huile de qualité
et, d’autre part, d’utiliser les tourteaux de presse dans les processus
de purification de l’eau. Ce procédé permet de rentabiliser
la culture de Moringa par la production et la vente d’huile, annulant ainsi
les coûts liés à la purification de l’eau. Ainsi inséré
dans le tissu socio-économique local, ce procédé est
bien accueilli par les populations rurales.
L’objectif de notre projet est d’améliorer l’approvisionnement en eau potable des populations rurales d’Afrique de l’Ouest par la valorisation de ce procédé naturel de purification de l’eau. Ce projet est également conçu dans une optique de préservation de l’environnement puisque Moringa oleifera sera cultivé en agroforesterie, c’est-à-dire associé à des cultures intercalaires traditionnelles, ce qui permettra ainsi de lutter efficacement contre l’érosion des sols.
En
vue d’une implantation de Moringa oleifera à grande échelle
en agroforesterie, il s’avère indispensable d’optimiser les itinéraires
techniques de la culture de cet arbre en Afrique de l’Ouest. Il s’agit
de sélectionner les variétés de Moringa les mieux
adaptées à cet usage, d’optimiser les conditions de culture
de Moringa en agroforesterie et d’améliorer les procédés
de propagation de l'arbre, avec la mise en place d'une pépinière
qui permettra la plantation à grande échelle dans les meilleures
conditions de régénération.
Ces études sont d’ores et déjà en cours en partenariat
avec le département de botanique de l’Université du Bénin
à Lomé.
Deux sites pilotes permettront d'assurer à l'échelle
d'un village les procédés d'extraction d'huile et de purification
de l'eau. Ces sites bénéficieront de la mise en culture de
Moringa oleifera sur plusieurs hectares en association avec les cultures
traditionnelles, de la construction de bassins de traitement des eaux ainsi
que de l'utilisation de presses adaptées aux graines de Moringa
oleifera.
Les deux sites seront mis en place au Sénégal et au Togo
afin que l’utilisation de ces procédés puisse être
validée à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.
Le village d'Ahepe, dans la préfecture de Yoto, a été
choisi comme village cible pour le développement du projet expérimental
au Togo. Ce village, dont la population de 30 000 habitants connaît
une croissance constante, rencontre des problèmes chroniques d'alimentation
en eau potable. Les nappes phréatiques sont profondes et les puits
atteignant une profondeur d’une soixantaine de mètres coûtent
cher. Ainsi, la majorité de l’approvisionnement en eau est assuré
par des citernes en ciment qui collectent les eaux de ruissellement, chargées
en particules et en microorganismes pathogènes.
L'APPEF (Association pour la Promotion des Plantations d'Essences Forestière),
regroupant une quinzaine de groupements de producteurs de Teck et d'autres
essences boisées du village, se propose de participer à l'établissement
du projet. Une superficie de 100 hectares est immédiatement disponible
pour mettre en place la production de Moringa oleifera.
Le projet sénégalais sera établi dans le village
de Bargny, situé à une cinquantaine de kilomètres
au sud de Dakar, en bordure de l'Océan Atlantique. Ce choix est
motivé par la présence de partenaires associatifs impliqués
aux cotés de BHD dans le développement durable de leur commune.
Avec ses 50 000 habitants, la qualité de l’eau dans cette ville
s’est détériorée ces dernières années.
Cinquante, puis progressivement cent et cent cinquante hectares, seront
cultivés autour de Bargny, créant une ceinture verte autour
du village. Les graines seront récoltées par les agriculteurs,
puis mises en commun pour entrer dans les processus de production d'huile
et de purification de l'eau. Le Rassemblement des Agriculteurs de Bargny
(RAB) aura donc la charge de coordonner la culture de Moringa autour du
village.
Les
domaines de compétence de notre association s’étendent de
l’écologie à l’agronomie et de la biochimie à la microbiologie.
Ces compétences sont indispensables à la maîtrise de
la culture de Moringa et des processus de floculation. Cependant, ce projet
multidisciplinaire demande des compétences plus vastes. Ainsi, un
partenariat avec HSF, dont la réputation dans le domaine de l’hydraulique
n’est plus à faire, semble prometteur sur la conception et l’expertise
de la construction des bassins de purification d’eau. La méthode
de purification est basée sur deux étapes de floculation
grâce aux graines de Moringa suivie d’une étape de filtration
sur sable et éventuellement d’une chloration. Les caractéristiques
physico-chimiques et microbiologiques de l’eau ainsi obtenue seront suivies
par le laboratoire d’analyse et d’études de l’eau et de l’environnement
de l’Université du Bénin, et permettront de déterminer
la potabilité de cette eau.
L’eau potable ainsi obtenue sera prioritairement destinée à
alimenter les dispensaires, les maternités et les écoles,
puis progressivement l’ensemble des populations cibles.
La dernière étape du projet MORINGA consiste à entreprendre le transfert de connaissances et de technologies par leur diffusion au niveau des villageois par l'intermédiaire des organisations rurales. Cette étape consiste à sensibiliser les agriculteurs afin de les convaincre de cultiver Moringa oleifera en association avec leurs cultures traditionnelles. Il s’agit également de leur démontrer l’utilité d’un procédé de purification d’eau à l’usage des nourrissons et des enfants en prévention des maladies hydriques responsable d’une forte mortalité infantile. Il s’agit, enfin, de faire prendre conscience du potentiel économique d’une production d’huile à l’échelle artisanale.