Le 19 juin 1997 , dans son discours -programme,
L. Jospin prônait un "nouveau partenariat" avec l'Afrique. En effet,
force était de constater que les Etats qui avaient bénéficié
le plus de la coopération depuis 1960 rétrogradaient dans
les classements de l' IDH*. Pire, beaucoup sombraient dans de graves crises
politiques. La chute de Mobutu, comme les massacres des Grands Lacs, sonnaient
le glas du système mis en place par J.Foccart au lendemain des indépendances
et qu'on justifiait par les nécessités de la guerre froide
: une multitude de réseaux, mafias, filières incontrôlables
qui utilisaient la corruption et parfois le meurtre pour tenir leur pré-carré
en favorisant des dictateurs-
clients. L'image de la France en Afrique en sortait profondément dégradée. Le 4 février 1998 H. Vedrine et Ch Josselin ont communiqué au gouvernement les grands axes d'une politique de coopération rénovée et ses nouvelles institutions . En voici un rapide résumé : |
Pour que la politique de coopération devienne enfin cohérente, efficace et transparente, il est nécessaire de séparer nettement les fonctions politiques des fonctions d'exécution, abandonner l'artisanat, adapter les outils à la diversité actuelle du Tiers Monde et à la mondialisation.
1. Séparer les fonctions politiques
des fonctions d'exécution
Désormais c'est un Comité Interministériel de
coopération et de développement (le CIDID) qui dirigera la
politique de coopération . Il se substitue au Comité Interministériel
d'aide au développement. Simple changement de nom ? En principe
non car :
Les fonctions techniques de maîtrise d'œuvre sont du ressort de L'Agence française de développement (qui remplace la Caisse française de développement) et d'opérateurs publics spécialisés tels que l'ORSTOM, le CIRAD, le BRGM...
L'Agence est un établissement public autonome qui mène
les opérations de dons ou de prêts, sauf dans le domaine culturel.
La Société civile est représentée dans
un Haut Conseil de la Coopération : élus, acteurs (ONG, experts,
fondations) peuvent y donner des avis sur la politique suivie. Il doit
favoriser une meilleure convergence entre leur action et celle de l'Etat.
2. Sortir de la logique de l'assistance
La procédure contractuelle sera systématisée par
des accords de partenariat et les types de coopération (militaire,
économique, sociale, culturelle) seront définis d'un commun
accord avec chaque pays. Dans ces accords, la France, consciente que la
démocratie est la condition d'un développement durable cherchera
à consolider l'Etat de droit et à faire respecter les Droits
de l'Homme ; elle encouragera la restauration des équilibres économiques,
l'essor de structures
professionnelles autonomes, l'adaptation du système éducatif
aux réalités nationales, la modernisation de la protection
sociale, le contrôle d'une urbanisation galopante.
Ainsi seront pris en compte les intérêts à long
terme du partenaire Fini le paternalisme : les pays africains seront traités
avec plus de dignité et avec plus d'exigence.
3. Adapter les outils à la diversité
du Tiers Monde et à la mondialisation.
Dans une période de réduction des déficits budgétaires,
les crédits d'aide sont limités ; il convient donc de les
concentrer là où la pauvreté est la plus grande :
on ne saurait aider de la même façon les pays dits ACP (les
plus pauvres en Afrique, Caraïbes , Pacifique) et les pays émergents.
Par ailleurs le regroupement régional est la forme actuelle de restructuration
du monde. Il convient donc de délimiter :
L'Afrique francophone a réagi avec réserve à ce
nouveau dispositif : les uns craignent le repli de la France, les autres
regrettent que les pays francophones ne soient plus prioritairement aidés.
La presse gouvernementale ivoirienne prend aisément son parti de
la fin d'un " tête à tête étouffant "Sur le terrain
les ONG constatent que la mise en place progressive du nouveau dispositif
bloque pour l'instant les crédits.
La réforme de L. Jospin fixe un cadre. La politique de coopération
deviendra transparente à condition que les cellules de l'Elysée
et les grandes sociétés, bien plus influentes que l'appareil
diplomatique, n'entrent pas en conflit avec la politique gouvernementale
et que changent vraiment les mentalités des administrations habituées
aux chasses gardées du " pré-carré".l