Digues, barrages et canaux dans l’ancienne Chine
Depuis les quelques 5000 ans de l’Histoire connue du peuple chinois et grâce à l’abondance de ses ressources hydrauliques (lacs et rivières), toute sa civilisation a été fondée sur l’agriculture.
Digues en terres ou en maçonneries de terres pour la protection contre les crues, réservoirs avec barrages pour le stockage de l’eau, canaux pour l’irrigation se sont multipliés et enchevêtrés dans des réseaux complexes alimentant rizières et cultures en terrasses de sorte qu’il est difficile de distinguer digues, barrages, réservoirs ou canaux.
Quelques réalisations connues et/ou encore en service
Ainsi, depuis l’an 720 avant JC, un nombre considérable d’aménagements hydrauliques ont été réalisés dont certains de grande importance ont été progressivement renforcés et sont encore en service.
Les plus connus sont probablement ceux qui datent de l’unification de la Chine avec la dynastie des QIN (221 av JC) comme :
l’aménagement de DU JIANG YAN, le berceau des systèmes d’irrigation de la grande plaine du SICHUAN avec barrages, digues, répartiteurs de débits, vannes, canaux d’irrigation ou de transport des billes de bois, etc...
les grands canaux comme le canal de LING QU (210 av. JC) qui relie le CHANG JIANG (Yang Tze) et la rivière des Perles à travers le QUANG XI, ou le canal impérial (DA YUN YE) de 1400 km de long qui relie le Yang Tze et le Fleuve jaune (HUANG HE) en partant de HANG ZHOU pour arriver à BEIJING.
Plus récemment construit, en 516, le grand barrage en terres de FU SHAN sur la rivière HUAI HE, de 30 m de hauteur et 400 m de longueur, avec deux évacuateurs de crues, a été submergé et détruit par une forte crue... mais ses ruines sont encore fort instructives.
Au 16è siècle, c’est la construction du barrage de GAO JIA YAN de 8 m de haut et 67 km de long créant le grand réservoir de HONG ZE en bordure de l’ancien estuaire du Fleuve jaune, de 13 milliards de m3 de capacité et jouant un rôle important dans la navigation, l’irrigation et l’écrêtement des crues pendant 400 années et jusqu’à ce jour.
Quelques types originaux de barrages
Depuis le 6è siècle (après les dynasties SUI et TANG) et jusqu’aux temps modernes, plus de 10 000 barrages ont été recensés dans les archives ou grâce aux études et recherches sur les ruines des ouvrages ou ceux encore en service. On pourrait les classer en plusieurs types :
Barrages en terres, les plus nombreux et les plus importants.
Compactés avec les seuls moyens humains et artisanaux, la qualité des remblais fût cependant soumise à un strict contrôle. Par exemple, déjà en l’an 1000, des essais de pénétration au cône étaient utilisés puis, à partir de 1360, des essais de perméabilité in situ étaient réalisés dans des bassins remplis d’eau et creusés dans les remblais.
Barrages en maçonneries de pierre qui, après ceux en terre, sont les plus répandus. Un exemple typique est l’ouvrage du grand canal de LING QU construit 2210 ans plus tôt : avec 470 m de long, 4 m de haut et 21 m d’épaisseur en fondation à la base de son profil triangulaire.
La face amont du barrage est constituée de grosses pierres de taille assemblées avec de la chaux hydraulique et jointoyées avec du métal fondu. Les surfaces des évacuateurs de crues sont réalisées avec des dalles de pierres disposées en écailles de poissons...Des pieux en bois sont enfoncés jusqu’aux fondations compactes et reliés en surface par des poutres de répartition des efforts. Nombre de ces ouvrages sont encore en bon état à l’heure actuelle.
Barrages en bétons de chaux
Ces ouvrages sont réalisés avec un mélange de graviers, de sables, d’argiles et de chaux hydrauliques en proportions adéquates et souvent additionnés d’une mixture de "soupe de riz gluant" ! Ce type d’ouvrages est surtout utilisé comme déversoirs, en digues submersibles, avec succès puisqu’encore en service sur nombre de barrages.
Barrages en enrochements
De taille relativement modeste (10 m environ), ils sont utilisés dans les verrous étroits avec fondations rocheuses... et ont l’originalité de ressembler tout à fait aux ouvrages modernes avec un noyau d’argile compacté, coffré avec de gros madriers en bois et stabilisés par des recharges amont et aval en enrochements. Plusieurs barrages de ce type sont encore en service dans les provinces du FUJIAN et du ZHEJIANG.
Barrages composites
Naturellement, ces différents types de barrages peuvent être combinés avec, en général, des parements amont en maçonneries de pierres de taille, un massif aval de stabilité et d’étanchéité en terres compactées, avec parfois un voile d’étanchéité en chaux hydraulique mélangé avec un coulis de riz gluant, comme le barrage de GAOJIAYAN.
De nombreux autres types de barrages furent encore construits comme les barrages en madriers de bois pour rehausser les niveaux des rivières afin de les rendre navigables, des barrages en pisé (mélange de terres, de pailles et de cordages) pour stocker l’eau en saison sèche et pour la navigation et pour servir de digues fusibles économiques et rapidement réparables au moment des crues. Ce type de barrage est encore utilisé actuellement en Chine pour des batardeaux de chantier, comme sur les chantiers de grands barrages de QING TONG XIA sur le Fleuve jaune et celui de SHIQUAN sur le HANSHUI.
Nous pensons que la description succincte de ces quelques exemples caractéristiques avec leurs croquis permet déjà de se faire une première idée de l’état de la technique mise en oeuvre par les ingénieurs hydrauliciens de l’ancienne Chine, et particulièrement de leur expérience et de leurs capacités d’invention.