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KHARE WOMPOU

Le projet présenté à HSF par l’Association des travailleurs de Wompou en France (ATWF) est un projet de réalimentation en eau du lac de Wompou et aménagement de ses berges pour sa pérennisation. Le lac est situé à deux kilomètres du fleuve Sénégal, à l’ouest de Sélibaby, en Mauritanie.

Après l’étude des cartes et des photos aériennes du lac et de ses environs, une mission a été organisée entre ATWF et HSF. La mission, qui s’est déroulée du 3 Août 98 au 1er Septembre 98, avait deux volets : une étude socio-économique, et une étude technique de faisabilité. Le Président de l’ATWF, M Boubacary DOUDOURE a accompagné les deux juniors de HSF, Annabelle BOUTET (sociologue-politologue), et Quynh-Anh PHAM NGOC (ingénieur en géotechnique-génie civil).
 
 

Le lac de Wompou, large de 500 m et long d’environ 2 km, était rempli chaque année grâce aux crues du fleuve Sénégal venant de l’est par le chenal du Yaïci , et celles du petit Gorgol venant de l’ouest. Depuis 20 ans, en raison de la sécheresse, il ne se remplit plus que partiellement et épisodiquement, une année sur deux, et se trouve asséché de février à juillet. Pourtant, il est vital pour le village de Wompou, qui y prend son eau, et même son nom...

A notre arrivée à Nouakchott, nous avons été aimablement accueillies par le Sénateur Gaye-Silly Soumaré, ainsi que toute la communauté de Wompou résidant à la capitale.

Nous apprenons très vite qu’il existe un projet en cours, "Maghama-décrue", initié par le Ministère du développement rural (MDR). La commune de Wompou fait partie de l’un des biefs aménagés pour la culture de décrue. Ce projet vient se greffer sur les aménagements du fleuve Sénégal que sont les barrages de Manantali au Mali, et Diama au Sénégal, gérés par l’Organisme de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), commun aux trois pays.

En effet, la maîtrise des crues du fleuve ne permet plus aux villages à l’aval du Manantali de pratiquer la culture traditionnelle de décrue. Une cote minimale a été maintenue pour permettre ces cultures juste à l’amont du barrage de Diama, lors de lâchers d’eau. Mais plus à l’amont, entre Maghama et Wompou, ces lâchers ne suffisent pas à inonder les terres.

Réhabilitation de la culture traditionnelle de décrue.

Le MDR a alors décidé de faire remplir ce rôle à un des affluents du fleuve, le Nyordé, qui longe le fleuve sur une soixantaine de kilomètres, et dont le bassin versant est très grand. Il s’agit donc de barrer le Nyordé en plusieurs points afin d’inonder les terrains favorables à la culture de décrue, et de lâcher l’eau en octobre pour permettre la culture du mil. Les travaux, pris en charge par la Société nationale de développement rural (SONADER), ont déjà commencé, et les ouvrages de génie civil sont pratiquement achevés.

Avec ce projet, le lac de Wompou sera probablement alimenté tous les ans (le Gorgol relie le lac au Nyordé), car la cote 18 m préconisée par la SONADER semble correspondre à une cote acceptable pour le remplissage du lac. Cependant, le problème est déplacé, car le lac, même s’il est alimenté, doit avoir un volume suffisant pour perdurer d’une année sur l’autre, malgré les prélèvements naturels (évaporation excessive, infiltration) et humains (besoins domestiques agricoles, et pastoraux).

Le but de notre mission n’est donc plus de trouver un moyen de remplir le lac, mais de l’aménager de telle sorte qu’il puisse retenir l’eau, et en quantité suffisante.

Grâce aux relevés topographiques et bathymétriques (profondeurs du lac), nous avons pu dresser un plan de la zone du lac, du village et du chenal Yaïci, avec des profils en long et en travers.

Il n’est alors plus question d’essayer de surcreuser ce chenal pour relier le lac au fleuve comme nous l’avions pensé au départ de Paris. En effet, la cote du lac est beaucoup plus élevée que celle du fleuve, et les crues n’auront plus l’ampleur de celles d’antan. On ne peut donc pas assurer un remplissage complémentaire du lac par le Yaïci, et il ne faut compter que sur les apports du Nyordé, par le Gorgol.

L’aménagement doit donc tenir compte de plusieurs points : la rétention de l’eau, l’agrandissement du volume du lac, et la défense et restauration des sols.

Hydraulique et environnement

Sur le Gorgol, un barrage vanné est nécessaire pour permettre la gestion de l’eau retenue par les ouvrages sur le Nyordé, au niveau local de Wompou. Ce barrage, une fois la cote maximale atteinte, devra retenir l’eau dans le lac et sur les terres de décrue autour du lac. Les lâchers sur le Nyordé n’influenceront donc pas la cote du lac, et ce barrage pourra être contrôlé pour découvrir les terres de décrue du lac, tout en maintenant une cote acceptable dans celui-ci. Des ouvrages filtrants sont aussi recommandés afin de limiter les apports solides, car le Gorgol amène beaucoup d’alluvions.

D’autre part, il faudra curer le lac sur un, voire plusieurs mètres, car il est très ensablé. Sa profondeur maximale actuelle tourne autour de 2,50 m, en août, c’est-à-dire au plus fort de la saison des pluies (avec un creux très ponctuel atteignant 5,20 m). Sur une large bande du pourtour, il ateint difficilement 1,50 m. Le lac est donc très évasé et sa grande surface n’est pas valorisée pour un volume optimal d’eau.

Une étude approfondie des apports et des prélèvements hydriques nous permettra de déterminer la hauteur nécessaire de curage. De plus, il est important de préserver un culot tout le long de l’année pour le repeuplement du lac en poissons. En effet, le village avait une tradition de pisciculture développée qui s’est perdue avec la disparition des poissons du lac, pendant les années de sécheresse. Ce besoin de réintroduction de la pêche a été clairement exprimé par les villageois qui y voient une ressource essentielle pour leur alimentation.

Autour du lac, et surtout près du village, il faut assainir les berges, stabiliser les talus, aménager des diguettes anti-érosives, et replanter des arbres pour protéger le terrain du ruissellement. Au-nord du village, un reboisement est aussi recommandé sous forme d’une barrière verte, afin de limiter l’avancée du désert.

L’aménagement doit donc prendre en compte tous les facteurs liés à l’eau : l’environnement, l’hygiène, la faune et la flore. Pour cela, il faut coordonner les actions de tous les villageois. Ceux-ci, organisés en associations, sont très actifs : hommes, femmes, et jeunes ont leurs propres projets qu’il est intéressant de mettre en commun dans un même but: réhabiliter la mare.

En cela, ce projet est très intéressant, car il regroupe tous les aspects du développement rural.

Pour la réussite du projet, et l’amélioration des conditions de vie, il est donc important de tenir compte de tous les facteurs techniques, mais aussi humains : traditions, éducation, moyens, besoins.

C’est pourquoi une telle mission qui allie les deux volets sociologique et technique est toujours riche en enseignements. Et elle nous a permis de mieux connaître les Soninkés, avec leurs coutumes, et dans le cadre de leur village, qui reste un lieu de réunion de toutes les familles.¤

Quynh-Anh PHAM NGOC