Les grands fleuves : fléaux et richesses de la Chine
Les inondations qui, depuis plus de deux mois, ravagent les villes et surtout les campagnes chinoises auraient causé "officiellement" la mort de plus de 3000 personnes, submergé 210 000 km2 de terres fertiles, détruit 5 millions de maisons...D’où plus de 15 millions de sans-abris, 240 millions de personnes plus ou moins directement touchées par ce désastre général et quelques 30 000 victimes possibles en raison des épidémies et de la famine
Ces chiffres dépassent tout entendement, mais ne sont hélas
pas exceptionnels dans la longue histoire connue de la Chine, périodiquement
jalonnée par des crues meurtrières et catastrophiques. En
particulier du HUANG-HE (Fleuve jaune) au Nord, et du CHANG JIANG (Yang
Tse) au Sud. Ces catastrophes naturelles sont imprévisibles, mais
elles sont aussi partiellement aggravées par les activités
humaines (déforestations plus rapides que les campagnes de reboisement)
et la pression démographique (urbanisation et industrialisation
de zones anciennement inondables).
![]() |
Durant les 2200 ans de l’histoire de la Chine, le Fleuve jaune aurait
rompu ses digues plus de 1500 fois et changé son cours 26 fois en
déplaçant son estuaire sur 400 km. Faisant chaque fois des
milliers ou des dizaines de milliers de victimes, ce qui lui vaut le nom
de "plaie de la Chine du Nord".
Quant au Yang Tse, la seule crue terriblement violente de 1931 aurait fait 3 millions de victimes et 40 millions de sans-abris, provoquant la famine dans 7 provinces. La crue de 1954 aurait fait 30 000 victimes. |
Derrière la froideur des chiffres, les terribles images des grappes humaines accrochées aux toits de leurs maisons ou entassées sur les morceaux de digues qui résistent encore nous rendent ces drames plus proches.
Ainsi l’histoire de la Chine se confond avec celle de son combat pour la maîtrise de ses fleuves : cette eau qui apporte fertilité et vie et facilite les plus lointains échanges et transports... ravage tout sur le passage de ses fortes crues.
Mais ce combat, permanent est toujours à recommencer. Jusqu’à
maintenant, chaque tentative de régulation, chaque digue édifiée
au prix d’efforts immenses et de cruels sacrifices, n’ont le plus souvent
apporté qu’une sécurité éphémère,
peut-être efficace vis-à-vis des crues petites et moyennes,
mais impuissantes devant les fortes crues exceptionnelles.
![]() |
Films et photos nous ont montré ces milliers de personnes
-civils et militaires mêlés- se battant à mains nues
pour consolider les digues menacées ou risquant leurs vies à
colmater d’énormes brèches, à grands renforts de tubes
et barres d’aciers, avant de larguer des milliers de pyramides en treillis
métalliques remplies de pierres et de sacs de sable.
Ils réussissent là où des bateaux ont coulés avec toute leur charge de sables, de pierres ou de bétons, balayés par le courant s’engouffrant par la brèche. |
Films et photos nous ont montré ces milliers de personnes -civils et militaires mêlés- se battant à mains nues pour consolider les digues menacées ou risquant leurs vies à colmater d’énormes brèches, à grands renforts de tubes et barres d’aciers, avant de larguer des milliers de pyramides en treillis métalliques remplies de pierres et de sacs de sable. Ils réussissent là où des bateaux ont coulés avec toute leur charge de sables, de pierres ou de bétons, balayés par le courant s’engouffrant par la brèche.
Mieux vaudrait prévenir ces drames et consolider ces mêmes digues avant qu’elles ne soient menacées et réaliser les grands réservoirs amont capables d’écréter les crues à des niveaux admissibles
De l’aide humanitaire et secours d’urgence à une action à long terme
Dans les jours à venir, la solidarité internationale doit se traduire par une augmentation de l’aide d’urgence pour épauler les pouvoirs publics dans leur lutte contre les épidémies et la famine qui menacent encore des dizaines de milliers de personnes, malgré une mobilisation nationale et internationale importante.
Mais au-delà de cette aide immédiate et urgente, serait-il aussi possible de s’attaquer aux causes mêmes de ces catastrophes et arriver à une maîtrise progressive de l’énergie terriblement destructrice des grands fleuves ? Dans ce dernier domaine, nous pensons qu’une participation des hydrauliciens français, européens et internationaux ne sera pas inutile compte tenu de l’ampleur de la tâche.
Avec les moyens techniques modernes, l’espoir est maintenant permis qu’à plus ou moins long terme -si les moyens financiers sont trouvés- une maîtrise quasi-totale des "dragons aquatiques" ne sera plus une utopie.
Il faut aussi que cessent les questions stériles du genre "la Chine est-elle encore un pays sous-développé qu’il faut aider ?" ou plutôt un futur concurrent dont on se méfie et qu’il faut éviter de renforcer.
Face à un monde où la guerre économique exige que pour leur survie les plus forts écrasent les plus faibles, nous voulons travailler pour un monde plus juste. Grâce à une vraie coopération avec des partenaires de confiance nous devons arriver à une synergie efficace dans l’intérêt de tous.
C’est l’appel que nos amis ingénieurs hydrauliciens chinois nous ont toujours lancé "pour renforcer les échanges d’ingénierie avec leurs collègues des autres pays, améliorer la compréhension mutuelle et favoriser par là-même l’ouverture de la Chine sur le monde extérieur et le progrès social à l’intérieur".