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Propositions pour lutter contre les inondations

Les quelques réflexions suivantes sont à discuter pour améliorer la sécurité des populations..

Fragilité des digues existantes

Les autorités font état de " digues détrempées " avec risque de glissements, de 3 200 points de rupture possibles, à surveiller de très près...Cette situation est-elle dûe à des défauts de compactage, à la ségrégation des matériaux entraînant des fuites par des cheminements préférentiels avec risques d’érosion régressive ?

Une solution radicale serait peut-être de reconstruire ces parties de digues. Avec les matériels de terrassement actuels, les travaux peuvent être réalisés assez rapidement, en améliorant nettement la qualité, et donc la sécurité.

Mais ces gros travaux de terrassements ne sont réalisables que dans les campagnes, où les engins ont assez de place pour manoeuvrer.

Une autre solution plus sûre et psychologiquement plus acceptable serait de consolider ces digues en les étanchant avec une paroi moulée dans le corps de la digue. Leur forage avec un équipement du type " Hydrofraise " pour atteindre les fondations étanches serait rapide et efficace. On pourrait démarrer ces travaux dans les zones urbaines et industrielles à très forte densité de population, et donc prioritaires.

Cette solution a l’avantage de ne nécessiter que très peu d’espace pour la réalisation (crête de la digue).

De plus, pour accroître encore la sécurité de ces digues, il serait aussi possible de compléter l’action de cette paroi étanche interne par un rideau drainant aval. Celui-ci serait accompagné d’un réseau de collecte d’eau, et le système permettrait de supprimer les éventuelles pressions intersticielles qui mettraient en jeu la stabilité des talus.

Dynamitage des digues dites " secondaires "

Ces opérations étaient déjà très difficiles à décider dans l’urgence car elles sacrifient les populations des campagnes à celles des villes, plus peuplées, et aux zones industrielles, de valeur économique plus élevée.

Elles se sont pourtant heurtées à la résistance des villageois, qui voyaient souvent anéantis les résultats de plusieurs années de labeur...sans aucune assurance d’indemnisation rapide.

Enfin, ces dynamitages déjà traumatisants peuvent provoquer des ruptures en série et difficilement contrôlables, augmentant ainsi les risques que l’on veut éviter.

D’où la proposition d’équiper les digues de déversoirs de sécurité, et de diviser les zones inondables en casiers. Les digues secondaires et principales peuvent en effet être équipées de déversoirs, seuils, ou hausses fusibles (plus ou moins complexes comme les hausses " Hydroplus "). Ces ouvrages permettraient le contrôle des débits et des cotes de déversement, et ainsi éviter une submersion inadmissible pour des digues en terre.

Les terres maintenant mises en valeur par l’agriculture seront divisées en différentes zones d’inondation progressive et contrôlée. Déversoirs de sécurité et vannes de fond.permettent de moduler l’importance des submersions. On peut ainsi adapter progressivement les décisions aux urgences.

Refuges de sécurité des populations

Là aussi, plutôt que des secours d’urgence, il serait plus efficace de prévoir des refuges capables en cas de danger d’accueillir les populations les plus exposées.

Comme nous l’avons proposé au Bangla Desh, ces refuges pourraient être de grandes plateformes de terres, aux talus consolidés par des pierres ou des pneus poids lourds, pour la protection contre l’érosion. Ces plateformes seront adossés aux digues existantes, refuges provisoires et accès d’urgence en cas d’alerte.

Ces refuges seraient équipés d’abris en dur, qui pourraient servir d’école, de dispensaire, ou de salle collective en temps normal. Ils disposeraient aussi de réserves de vivres et de médicaments de première nécessité, à renouveler régulièrement grâce à des réseaux de silos permettant le stockage de céréales. Il faudrait également des réserves d’eau potable sous forme de châteaux d’eau capables d’alimenter villages et hameaux environnants dans la vie quotidienne.

Lutte anti-érosive

C’est une priorité que les pouvoirs publics rappellent en permanence dans les écoles, par des campagnes de reboisement, et dans l’éducation des populations villageoises.

D’autre part, une tradition millénaire chinoise est de transformer la moindre parcelle de terre en rizières et cultures en terrasses. Avec l’augmentation des populations, on voit ces impressionnantes terrasses escalader les collines et les pentes les plus abruptes. L’irrigation se fait grâce à un réseau hydrographique naturel déjà très dense, et à l’utilisation de nombreuses petites pompes thermiques.

Pourtant, les phénomènes d’érosion restent aussi inquiétants, en particulier dans le nord-ouest et les zones de loess du bassin versant du Fleuve Jaune.

La politique officielle de reboisement et de défense et restauration des sols (DRS) est sans doute à intensifier, et les abus d’exploitation forestière à surveiller de plus près. Le spectacle de longues files de camions chargés de fûts d’arbre séculaires (parfois plus de 2 m de diamètre) sur les routes du Sichuan laissent perplexe quant à l’efficacité de l’action des pouvoirs publics...

Mais en attendant les résultats de ces actions à long terme, il est toujours utile pour un hydraulicien de rappeler sans relâche la nécessité de réaliser un système anti-érosion avant de construire tout aménagement hydraulique. Le dispositif doit concerner tout le bassin versant amont et prend la forme de reboisement des terrains en pente, d’aménagement de terrasses, de constuction de digues filtrantes, avec des zones de stockage de matériaux de charriage, et des réservoirs écrêteurs pour laminer les pointes de crue.

Le barrage des Trois Gorges

Il y a dix ou vingt ans, la majorité des universitaires et ingénieurs hydrauliciens chinois étaient opposés à ce projet, à cause de ses coûts humain (1,2 millions d’habitants déplacés), écologique, technique, et financier. Depuis le démarrage des travaux, avec la dérivation du fleuve en novembre 97, ce projet est devenu irréversible.

Aussi, plutôt que de continuer une opposition devenue stérile, nous pensons plus utile maintenant de faire des propositions pour minimiser les impacts négatifs de ce projet.

Sédimentation des réservoirs

Ce phénomène risque de diminuer les performances de l’aménagement (11 milliards de m3 de sable déposés en 80 ans d’après les calculs prévisionnels), mais aussi de priver toute la plaine aval d’une bonne partie des limons qui fertilisent le sol à chaque crue.

Il faudrait donc prévoir des groupes spécialisés pour turbiner en permanence les eaux de fond les plus chargées en limon.

Les prises d’eau de ces groupes pourront être directement branchées sur les dérivations provisoires, et leurs débits pourront ainsi récupérer très à l’amont les boues de la retenue.

Cette proposition est naturellement valable pour Xiao Lang Di (sur le Fleuve Jaune), et permettrait de rentabiliser la majeure partie des débits traversant le barrage. On pourra ainsi minimiser les lâchers des vidanges de fond, dont l’efficacité pour évacuer les sédiments n’est pas toujours évidente1.

Vie aquatique

Les barrières que constituent les grands ouvrages hydrauliques pourraient être franchies avec des écluses ou ascenseurs à poissons (en particulier pour les dauphins des lacs et esturgons sur le Yang Tze). Mais ces ouvrages. restent d’un coût élevé.

Réalisation des petits et grands barrages sur les affluents des grands fleuves

En plus des études des grands barrages auxquelles HSF a participé depuis 88, nous avions été sollicités en 97 pour des projets de barrage de moindre envergure (100 à 120 m de hauteur). Ces barrages sont destinés à l’approvisionnement en eaux potables, eau d’irrigation et énergie des populations déplacées par la réalisation des Trois Gorges (région de Xing Shan).

Tout comme pour les projets de grands barrages, ces " petits " projets sont mis en attente pour des raisons financières, alors que l’efficacité de tous les projets sur les affluents du Yang Tze égalerait celle des Trois Gorges.

Solidarité internationale

D’où notre proposition d’une démarche conjointe de tous les bureaux d’étude et entreprises intéressées, sous l’égide des Comités français et international des grands barrages (CFGB et CIGB). L’objectif serait de convaincre les bailleurs de fonds de ne plus bloquer systématiquement tout crédit pour des grands barrages sans analyse et bilan approfondi des impacts de ces projets.

Nous pensons que cette démarche serait l’un des meilleurs services à rendre au peuple chinois pour l’aider dans le contexte tragique actuel. Car malgré l’énorme coût financier de ces inondations (120 à 200 milliards de francs), la Chine reste un pays solvable, et qui a moins besoin de dons (sinon des secours de première urgence), que d’investissements à long terme. Grâce à son potentiel hydraulique éminemment rentable, elle représente également un intérêt énorme pour l’économie mondiale.

BW

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1 S’appuyant sur l’expérience de Serre-Ponçon et en accord avec Neyrpic, nous avions déjà préconisé ce dispositif sur tous les grands projets étudiés depuis 1984, en particulier à Long Tan