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Nouvelles des missions
 
Des micro-centrales pour la pré-électrification du Nord-Kivu 

Mission de Dominique Normand et Philippe Thénoz du 4 mars au 2 avril 1998 en République Démocratique du Congo (Congo-Kinshasa) pour une reconnaissance de sites de micro-centrales hydrauliques...

Une région encore difficile

Cette mission à Butembo, projetée dès août 1996 (cf n°15 de H2O du 15 juin 1996), et programmée sérieusement en janvier 1997, avait été différée à cause de la guerre civile menée par l'alliance de Kabila contre Mobutu, dans le prolongement des événements dramatiques du Rwanda.

D'octobre 1996 (pillages par l'armée zaïroise en déroute) à mai 1997 (entrée de Kabila à Kinshasa), l'occupation par les troupes de l'Alliance a été marquée par la terreur. Mais actuellement, la "société civile" refait surface. Le régime n'apprécie pas beaucoup les associations mais comme son slogan est "Au peuple, par le peuple, pour le peuple", et qu'il ne dispose pas des moyens pour tout contrôler, il est obligé de tolérer les mouvements associatifs, tout en excluant les partis politiques et en muselant les organismes de défense des droits de l'homme.

Le calme relatif régnant au Nord-Kivu a incité notre partenaire WIMA (réseau d'ONG congolaises) à nous demander d'effectuer cette mission de reconnaissance de sites de micro-centrales, qui doit permettre de donner une nouvelle impulsion au processus d'électrification attendu avec impatience par la population. Muni de nombreuses informations sur cette région, j'étais moi aussi impatient de concrétiser ce projet. Je suis donc parti, avec Philippe Thénoz, qui terminait un service civil à TEP (Tourisme énergie promotion) dans le domaine des micro-centrales, et mon épouse Marie-Claude.

Nous quittons l'aéroport de Satolas mercredi 4 mars au matin, et nous retrouvons à Bruxelles l'abbé Valérien qui doit nous accompagner jusqu'à Butembo. A l'atterrissage à Entebbe en Ouganda, la transition est douce : douane et police rapides, chariots à bagages disponibles, pas de "comité d'accueil" à la sortie. Cette bonne impression se prolonge avec un accueil chaleureux et efficace de l'abbé Robert. Celui-ci va nous prendre en charge durant toute la mission. Ce n'est que le samedi que nous prenons la route, et ce sera une longue journée pour parcourir 450 km, dont 120 km de piste défoncée en République Démocratique du Congo, où la vitesse moyenne du 4x4 est de 20 km/h!

Ce jour là, les montagnes de ce pays des Grands Lacs nous sont apparues sous une bruine digne du Massif Central. Mais l'arrivée crépusculaire à Butembo a été réchauffée par un accueil là encore sympathique, et par la confort de notre installation à la Procure, maison communautaire ouverte à tous les abbés venus chercher du matériel pour l'équipement de leur paroisse. Autour de la table, nous faisons connaisssance avec les abbés permanents du lieu : Boniface, Honoré, Modeste, Athanase, et Théophile.

De modestes réalisations, mais une soif de développement

L'abbé Robert, jeune et dynamique, expert en mécanique, a déjà équipé des moulins et des micro-centrales. Il nous a pilotés avec patience et grande gentillesse pendant ces quatre semaines d'Entebbe à Entebbe, trouvant toujours le mot qui détendait l'atmosphère lors de nos fréquents arrêts aux "barrières" de militaires rébarbatifs. En effet, l'armée entretient un climat d'insécurité au sein d'une population accusée de soutenir les maquis de rebelles dans les forêts du Ruwenzori et du parc du Virunga, le long des frontières de l'Ouganda et du Rwanda.

Dimanche, messe animée au milieu des étudiants de l'Université catholique du Graben qui ont applaudi le discours du Recteur souhaitant la bienvenue à "Papa Dominique, Maman Marie-Claude, et leur fils Philippe, bons génies d'Hydraulique sans Frontières venus conjuguer leurs efforts à ceux des associations de WIMA pour promouvoir l'électrification nécessaire au développement des villes et des centres ruraux".

Les premiers contacts ont mis à jour le décalage entre des amorces de réalisation modestes et la soif de méga-watts de la Fédération des entrepreneurs du Congo. Mais une investigation méthodique préparée par notre précieux abbé Robert nous a dévoilé au fil des kilomètres cahotants les premières réalisations d'une pré-électrification efficiente, et des sites favorables à l'implantation de micro-centrales pouvant répondre aux besoins prioritaires. Des réunions animées avec les Associations villageoises, les Comités d'électrification des villes et le Conseil d'administration de WIMA ont permis de jeter les bases d'un programme d'actions. Il implique la création de structures de gestion, la mobilisation des usagers potentiels, et la prospection des modes possibles de financement , incluant des crédits à moyen ou long terme. En effet, tout le monde ici est bien conscient que l'électricité a un coût, mais génère aussi une plus-value économique.

Philippe, qui a une formation technico-commerciale, a été très sollicité pour satisfaire, à court-terme, les demandes solvables en équipements solaires et en pico-centrales (500 W à 2 kW), et pour approvisionner en pièces détachées (roues de turbines, alternateurs) les artisans mécaniciens qui construisent des moulins ou de petites centrales.

Chaque soir, lorsque nous arrivions au gîte de la communauté religieuse qui nous accueillait, la douche était un réconfort. En effet, les journées étaient "tout terrain" et il fallait parfois se frayer une sente au coupe-coupe dans les taillis de la forêt. Mais souvent, un artisan, un commerçant, ou un animateur d'association, prévenu par le "téléphone africain", venait nous présenter un projet. Et Philippe sortait catalogues et calculette pour concrétiser la discussion autour d'un devis et d'une procédure d'achat. Le "courant" est alors passé et Philippe est rentré confiant dans la possibilité d'engager TEP, sous sa responsabilité, sur un marché du Nord-Kivu en matière d'équipements solaires, de pico-centrales hydrauliques et d'éléments de générateurs hydro-mécaniques.

Pour HSF, il y a aussi du blé à moudre si, avec nos partenaires WIMA, CEIK (Comité d'échanges Isère-Kivu), Terre des Hommes et RONGEAD (Réseau d'ONG européennes d'aide au développement), nous parvenons à convaincre les organismes de coopération, les bailleurs de fond, et le Ministère de l'Energie à Kinshasa qu'il faut encourager et accompagner le dynamisme de cette population du Kivu qui veut gagner la bataille de la paix par le développement et l'ouverture sur le monde. Les techniciens locaux sont compétents pour la mise en oeuvre des micro-centrales de 10 à 50 kW qui figurent dans notre rapport d'orientation, et dont nous présenterons les études de faisabilité. Mais une aide complémentaire de HSF sera nécessaire pour l'établissement des avant-projets détaillés et la supervision de construction de petits barrages assurant la régulation journalière, la dérivation et la mise en charge des débits turbinés dans les micro-centrales de 100 kW à 3 MW que nous proposons en vue de la pré-électrification des centres urbains, à savoir :

-BUTEMBO, par l'aménagement de la chute d'Ivugha, avec un débit équipé de 4 m3/s sous 100 m pouvant fournir une puissance de pointe de 3 MW -BENI, par deux aménagements sur la rivière Tua : * Tua-Regideso avec 2 m3/s sous 7 m de charge, donnant 100 kW * Tua-Peltac avec 2 m3/s sous 20 m de charge, donnant 300 kW -LUBERO-MULO, par l'équipe-ment d'une chute de 70 m pour 200 kW -KANYABAYONGA-KAINA, par l'aménagement de la chute de Lwavulanzira sur la rivière Luholu qui peu tfournir 500 kW avec 3 m3/s sous 25 m de charge.

Dominique NORMAND