Cette "ènième" expérience en Afrique aura en tous cas eu le mérite de nous rappeler que l'on ne franchit pas la Méditerranée pour faire ce que l'on a à faire en un temps déterminé, mais pour faire ce que l'on peut (en l'occurrence, ce que l'on veut bien nous laisser faire) et que le reste du temps est une aventure intérieure. Florence PINTUS Au-delà des informations collectées et recensées dans un rapport "rigoureux", Florence nous fait part de son "clin d'oeil sur les conditions locales"et expose sa démarche d'écoute et d'intuition
Chronique de femme parmi les femmes (Projet Ouadane - Mauritanie)
Il est des projets carrés et bornés. Et il en est d'autres... Parties à deux, revenues à une ; l'équation est d'un autre genre... féminin.
Là-bas, C'est 8 heures de piste dans le meilleur des cas, dans le désert alternativement dunaire ou lunaire ; c'est le double si le pneu crève, si la panne menace, si le GPS ne fonctionne pas, si le gendarme cherche l'argent, si le chauffeur s'arrête boire le thé, si... Là-bas, C'est une cité au passé prestigieux, dont ne témoigne plus qu'un amas de ruines ; c'est une oasis de 12 km de longueur, cernée de reliefs insolites dans tant de platitude ; c'est l'endroit où la goutte hésite à tomber, car elle ne survit pas. Là-bas, C'est l'endroit où, pour ralentir l'irrésistible exode des hommes vers les villes, on s'intéresse aux femmes. Des femmes organisées en coopératives, qui font de l'artisanat et du maraîchage. Ce sont ces femmes précisément qui furent l'objet de notre mission. Ainsi donc, pas de relevé topo, pas de calculs hydrologiques, pas de suivi de chantier, quoique... Il devait bien y avoir une sondeuse, mais elle aura mis trois semaines pour se décider à quitter la capitale... le temps de la mission ! Résultat : l'une de nous est restée là-bas, où même la technologie hésite à se rendre.
Que peut-on bien faire avec peu de moyens, peu de chiffres, peu de mots et beaucoup de femmes ? On échange des regards et des paroles au cours d'interminables séances, durant lesquelles l'immuable verre de thé vient rythmer les heures... Observateur observé, on se retrouve l'objet d'étude, comble du paradoxe !
Mais passé le temps des salamalecs, la culpabilité vient sonner à la porte de la conscience : "Eh ! dis donc, t'es pas payée à rien foutre ! Alors, au boulot !" Peine perdue, un questionnaire ne rapportera pas plus d'informations qu'une enquête directive. Non, décidément, ce n'est pas la bonne stratégie. Le courant est fort, et nager contre lui serait vain pour comprendre ce qui se passe entre toutes ces femmes. Car après tout, c'était bien l'objectif de cette mission, saisir une organisation avant projet et en déduire des propositions. Dans ces conditions, plutôt que de faire un cours magistral et collectif, il valait mieux établir un diagnostic de fonctionnement des coopératives. Et pour cela, les rencontrer séparément sur le lieu de leurs activités respectives nous a semblé le plus favorable, le téléphone arabe se chargeant de faire le reste...
Nous n'avons finalement pas décidé grand'chose, volontairement, nous laissant porter où l'on a voulu nous porter. Il pouvait difficilement en être autrement de toutes façons, puisque notre connaissance dépendait entièrement du bon vouloir des personnes (hommes et femmes) que nous interrogions. Notre privilège fut de pouvoir aller partout et de susciter l'intérêt de tous. Ainsi, les ententes se sont progressivement dessinées ; les invitations à domicile ont permis d'affiner les propos, de discuter des attentes de chacun et de recouper l'information. Mais malgré cela, des interrogations demeurent et des doutes subsistent, bien sûr.