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Scène1 : Rencontres à NOUAKCHOTT

L'opération engagée à Ouadane en Mauritanie, résulte de la rencontre de plusieurs partenaires dont le rôle doit être rappelé : L'UNESCO dans le cadre de sa participation à la sauvegarde du patrimoine mondial.a initié cete opération avec Madame AURELI (Division des Sciences de l'Eau), Monsieur SEBTI, Hydrogéologue1 et Madame BENARROSH sociologue La FONDATION POUR LA SAUVEGARDE DES VILLES ANCIENNES , agence gouvernementale Mauritanienne qui coordonne les interventions des ministères et des organismes extérieurs en direction des six villes anciennes de Mauritanie. Son Directeur est Monsieur ETHMANE OULD DADÏ. La FNSVA est Maître d'ouvrage du projet. L'AGENCE DE BASSIN SEINE-NORMANDIE dont le Directeur des Relations Internationales est Monsieur CADIOU. L'agence de bassin finance le projet de renforcement de l'alimentation en eau potable de la ville de Ouadane. L'association HYDRAULIQUE SANS FRONTIERES, dont les compétences ont été sollicitées pour assurer la Maîtrise d'ouvrage déléguée du projet.

Une première mission est dépêchée sur place pour prendre connaissance de la situation sur le terrain, compléter les informations fournies par les correspondants de l'UNESCO et préparer la passation des marchés. Nous sommes arrivés le 13 Octobre à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. Nouakchott est une grande ville de 700.000 habitants environ qui a des allures de gros village. Peu d'immeubles, pas de grand magasin, des rues secondaires en terre battue et une atmosphère débonnaire et bon enfant. Il y des animaux et des familles sur les trottoirs, des échoppes de toutes sortes et quantité de vieilles Renault 12 qui font office de taxis. Il fait très chaud en ville sauf lorsque souffle une petite brise de mer. Nous passons trois nuits à Nouakchott, le temps de rencontrer par deux fois nos interlocuteurs: la FNSVA et le bureau PHY. PHY est une société spécialisée en hydrogéologie qui a dirigé de nombreuses opérations de forage dans l'ensemble de la Mauritanie. Sa connaissance des sites est importante et PHY est à même de coordonner le travail des différents intervenants pour une opération d'alimentation en eau. Ce sera le maître d'oeuvre du projet.

Scène2 : de l'eau minérale dans le radiateur

Le 16 Octobre, nous prenons la route en compagnie de Monsieur LEMINE, directeur du bureau PHY, en direction de ATAR, puis Chinguetti. Les premiers kilomètres se font sur une route bitumée de très bonne qualité ; passé AKJOUT, les choses se gâtent un peu, croyons-nous. Nous roulons souvent dans le sable et les cailloux à distance de la piste qui est en cours d'aménagement par une société chinoise. Nous avions déjà découvert le thé à la menthe et notre initiation se poursuit par le repas pris en tailleur, sur un grand tapis. Seul l'usage de la main droite est autorisé. ATAR est une grosse bourgade dont plusieurs rues sont bitumées, les commerces sont nombreux et proposent en particulier des chaussures et des pièces détachées pour voiture... Nous faisons avant de partir le plein de gasoil et d'eau minérale, produits également précieux. Nous prenons la route en fin d'après-midi. Sous les tropiques, la nuit tombe brutalement et nous abordons dans l'obscurité les gorges taillées dans des éboulis et qui permettent à la piste de s'élever rapidement jusqu'à 800 m environ qui est l'altitude du plateau gréseux de l'ADRAR. L'arrivée à l'auberge des Caravanes de Chinguetti est un moment fort réconfortant. Nous y trouvons le thé, la douche et le repas sous la tente dans la cour du caravansérail. Le luxe! Nous nous chamaillons bien un peu avec les moustiques, mais après tout, ils étaient là avant nous. La lumière du matin est belle et nous partons visiter des réalisations semblables à celle que nous projetons. Elles sont, ici, destinées à l'alimentation de la palmeraie, le village étant déjà doté d'un château d'eau et d'un réseau d'adduction. Chinguetti est une belle ville ancienne, mais les dunes progressent et semblent devoir inexorablement ensevelir le village et la palmeraie. Nous consacrons un temps à la visite du musée qui rassemble des objets témoins de la vie nomade traditionnelle et quelques beaux outils de pierre polie, témoignage de la fertilité ancienne de l'ADRAR. Dans la poussière des collections, les insectes ont tracé une calligraphie insolite. Comme le soir tombe nous partons pour passer la nuit dans un campement de nomades à une heure de piste environ. Nous arrivons vers 11 h du soir; la famille dort sur des nattes devant la cabane. Un mouton est sacrifié et les femmes réveillées se mettent à la cuisine. Il faut préciser que la deuxième voiture de notre caravane n'aime pas le sable et s'est mise à chauffer après quelques passages un peu sportifs. Son radiateur engloutira notre provision d'eau minérale.

Scène 3 :Ouadane. Monod, de Gaulle et HSF sont passés par là!

Après une courte nuit nous reprenons la direction de Ouadane dans un décor saisissant de sable et de grès noirs, travaillés par l'érosion. Premier aperçu de Ouadane : de grands bâtiments, sans doute hérités de la période coloniale. Ils abritent la préfecture et le gîte d'étape. De l'autre côté de l'oued, la ville ancienne, pierres parmi les pierres dont seul dépasse le minaret de la mosquée. Nous nous installons dans une maison du village, où nous resterons durant 5 jours. Nous sommes les hôtes d'un vieil habitant, homme respecté, qui nous expliquera un soir avoir reçu, dans cette même maison, Théodore MONOD en personne. Nous venons pour l'eau potable du village, mais des forages ont également été réalisés pour la palmeraie (dans le cadre d'un autre projet). Ils sont en cours d'équipement et nous effectuons une tournée des chantiers, avec Mohamed LEMINE, qui en a la responsabilité. Les soirées de Ouadane sont calmes mais le ciel est couvert et un orage gronde dans le lointain. Dimanche matin, nous prenons la piste pour une visite à l'oasis de Telaba, à quelques kilomètres en amont de Ouadane sur l'oued SLIL. La piste est coupée par les eaux issues des orages de la veille, bien que pas une goutte ne soit tombée sur nos têtes. Les villageois évaluent à une distance de 40 kilomètres environ le lieu de l'orage. Il aura fallu 15 heures à la crue pour arriver jusqu'à nous et 3 jours, avant de se tarir pour ne laisser que des flaques d'eau limoneuse. Cette crue, providentielle pour les observations qu'elle permet, ouvre des perspectives intéressantes. En effet, la topographie en auge à fond plat des oasis indique que des digues, même modestes, permettraient un étalement important des eaux et une recharge de la nappe alluviale qui est exploitée par des centaines de puits. Lorsque nous pourrons passer le gué, la digue existante à Telaba nous le confirmera. Après le départ de Mohamed LEMINE, nous entamons le travail de connaissance du site qui nous incombe. Les installations existantes datent d'une dizaine d'années. Le travail a été réalisé par une entreprise algérienne, avec des financements saoudiens. Une partie du matériel est d'origine anglaise... L'ensemble comporte un forage, équipé d'une pompe immergée, alimentée par un groupe diesel électrique de 17 KVA. Des mesures de débit donnent 7.5 m3/heure avec une grande régularité. L'eau est stockée dans un réservoir métallique sur pilotis de 15 m3. Aux heures chaudes, elle sort à une température élevée. Les canalisations sont en acier galvanisé, posées en surface. La dureté des grès du plateau a dissuadé les installateurs de les mettre en tranchée. Des ramifications conduisent l'eau à un petit nombre de bornes-fontaines répartie dans le village. De là, le fontainier utilise de longs tuyaux de caoutchouc pour emmener l'eau jusqu'au citernes des maisons. La facturation est effectuée au volume, indiqué par les compteurs, à l'intérieur des bornes. On note plusieurs fuites, sur le circuit de pompage (joint de dilatation) et sur le circuit de distribution. Elles ne font l'objet d'aucun projet de réparation connu. De même la plupart des vannes sont en mauvais état, soit elles ne ferment pas, soit le carré d'entraînement est totalement détérioré par l'usage d'outils inadaptés. Nous ne pourrons pas obtenir de plan de ce réseau.

Le forage dont nous avons la charge a été implanté, dans l'été, par les géophysiciens de PHY. Il est prévu dans le lit de l'oued AFEIZI, petit affluent de l'oued SLIL. Il devrait correspondre, d'après les mesures et les sondages précédemment effectués, à une fracture délivrant une eau peu salée. Un parcours des tuyauteries avait été imaginé par l'équipe citée; malheureusement, il passerait au milieu du collège en cours de construction et allongerait considérablement les canalisations. Utilisant des levés topographiques existants et prenant en compte les conditions d'exploitation des deux installations, par une même personne, nous proposons l'installation du nouveau château d'eau à coté de l'ancien et la mise en commun d'une partie de canalisation. Une réunion de travail avec le Préfet et le Maire de Ouadane, fait apparaître que l'emplacement que nous souhaitons utiliser, non clos, non bâti, est déjà concédé à quelqu'un. Nos arguments techniques étant solides, les Autorités nous donnent l'assurance que les problèmes du foncier seront résolus. Nous sommes donc à même de rédiger les spécifications techniques qui orienteront les études de réalisation, commandées au bureau PHY.

Quelques mots sur la vie à Ouadane: le village ne possède ni eau courante, ni électricité, ni téléphone, ni... On y trouve cependant quelques boutiques, un dispensaire, une école élémentaire, un collège en construction, une liaison radio ondes courtes à la Mairie, un transporteur occasionnel (lorsqu'il a assez de client pour ATAR), un musée-maison de la culture dont le conservateur est fort érudit, et une tribune, construite pour la venue de De Gaulle, dans les années 60. Dès la tombée de la nuit, vers 19 heures, le village est extrêmement calme, le silence est traversé seulement par le cri déchirant des ânes. Pour échapper à la touffeur de l'intérieur, nous avons installé nos lits sur le toit de la maison, et c'est un bonheur quotidien de s'endormir en regardant le ciel; la voie lactée est comme un grand fleuve de lumière, qui dérive lentement dans le ciel. On voit aussi défiler les satellites et s'enflammer les météorites. Avant l'aube, le muezzin, à voix nue, appelle à la prière, depuis la mosquée. Le murmure des prières lui répond et la vie reprend avec le jour qui pointe...

Gérard SIBERT

Les FEMMES et l'EAU Ouadane (MAURITANIE) : Acte 1 Mission du 13 au 26 octobre 1997 de B. Chuzeville et G. Sibert

1 M. SEBTI nous prie de préciser que c'est lui qui a "réalisé le document technique sur lequel est basé le projet ainsi que la faisabilité technique" et qui a "trouvé le bureau d'études"