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Au service de quel projet ?

Lors des Assises régionales pour la coopération et la solidarité internationale (13 septembre 1997 à Romans), certains représentants du Tiers-monde n'ont guère ménagé les "ONG1 du Nord", leur reprochant de vouloir garder sous tutelle les "ONG du Sud" et d'être plus soucieux de faire marcher leur boutique, dans l'intérêt de leur "fonds de commerce" plutôt qu'au service des projets de développement. Généralisation hâtive et quelque peu injuste , mais qui devrait aussi nous amener à nous interroger sur nos propres mentalités et comportements. Sans doute, HSF n'a pas les soucis financiers des "fins de mois"2 qui peuvent obscurcir et dévoyer la finalité des projets. Mais comme dans d'autres organisations, nous ne sommes pas à l'abri des préjugés, d'erreurs de jugements ou d'orientation, des risques de paternalisme et même de faux pas. Nous connaissons tous des exemples comme ceux rencontrés dans un village du TOGO où une ONG avait financé un forage profond donnant une eau limpide, mais les villageois continuaient à aller puiser l'eau boueuse du marigot "qui avait plus de goût"... ou dans un village du SENEGAL où l'ONG qui avait construit un petit barrage pour l'irrigation s'était contentée pour toute mobilisation d'embaucher les paysans pour la construction de l'ouvrage ; et maintenant celui-ci est envasé et abandonné . Ces exemples illustrent bien un défaut de concertation et d'échange sur les vrais besoins des populations. On ne peut pas faire le bonheur des gens sans eux ou malgré eux. Nous pensons cependant que ces cas sont maintenant assez exceptionnels. Plutôt que de battre notre coulpe sur la poitrine des autres, il serait plus utile lors de notre prochaine Assemblée générale du 31 janvier 1998 de réfléchir ensemble et de débattre de nos pratiques, en particulier durant les dernières missions des équipes HSF Car entre les grands principes proclamés de solidarité active et d'égalité avec nos partenaires et la réalité du terrain, il y a encore souvent du chemin à faire. Il est sensationnel de voir avec quel enthousiasme et avec quelle passion nos équipes de Jeunes et Anciens racontent la richesse des expériences qu'ils ont vécues à BASOTU (Tanzanie) ou à CIOLPANI (Roumanie), dans l'OURIKA (Maroc), à SAYA (Bolivie) ou à OUADANE (Mauritanie), même lorsque les conditions de vie et de travail étaient particulièrement difficiles. Pour nous, il n'est pas interdit de se faire plaisir dans son travail et nous savons que "rien de grand et d'efficace ne se fait sans passion". Mais il nous faut aussi et surtout partager cette volonté de réussir à faire du bel ouvrage. Il ne suffit pas d'aider, ou même de "se mettre au service" d'un projet aujourd'hui. Ainsi, dans un monde où crainte du chômage et risques de licenciement amènent tout un chacun à vouloir se rendre indispensable et à garder jalousement informations et savoir, nous avons à réapprendre chaque jour à échanger nos compétences et expériences, et pas seulement à "transférer (à sens unique) nos technologies". C'est aussi l'occasion de découvrir les savoir-faire locaux : certaines techniques traditionnelles peuvent être mieux adaptées et plus performantes 3 nous ne devons pas oublier que le projet que nos partenaires nous confient est d'abord leur projet. Nous n'avons pas le droit de nous l'approprier sous prétexte que ce serait mieux fait... ce qui n'empêche pas une grande franchise dans les rapports et les discussions. Cela aussi est une marque de respect et d'estime réciproques et le gage d'une efficacité à long terme.

Brice WONG

1 Organisation Non Gouvernementale

2 Grâce au bénévolat et au travail de nos membres, nos frais de fonctionnement sont réduits au strict minimum. Nous réussissons même à contribuer au financement de certains projets des villages les plus démunis. Ce sont nos partenaires qui, s'appuyant sur nos dossiers techniques, se chargent des longues et persévérantes recherches de fonds et de subventions. Hydraulique sans Frontières se consacre aux travaux d'études et autres tâches techniques

3 puisatiers du Sahel ; au Cambodge, les paysans khmers sont les descendants des grands bâtisseurs d'Angkor, les Egyptiens, ceux des Pyramides ou d'Abou Simbel ; les villageois de Saya utilisent toujours les techniques et réseaux d'irrigation de leurs ancêtres incas dont la science architecturale fait notre admiration...)