Importance du pourcentage d'air retenu sous forme de microbulles dans la résistance au gel des bétons pour barrages
Jean-Richard Le Cointe poursuit son article paru dans le n°19 de juin 1997 et nous persuade de l'utilité des petites bulles d'air dans le béton
L'appréciation du dosage des microbulles se heurte à de nombreuses difficultés. Une méthode est précise à posteriori : c'est l'étude sur béton durci. Cela se fait sur une lame mince provenant d'un béton aéré que l'on regarde au microscope sous lumière polarisée. On voit alors comment se répartissent ces microbulles d'air et quelle est leur surface, soit en moyenne 0,30 mm. On constate que les adjuvants entraîneurs d'air créent artificiellement dans le béton frais des pores dont le diamètre varie d'environ 10 -2 à 1 mm et finalement on observe que ces pores ont un diamètre supérieur à ceux des capillaires, ce qui leur permet d'interrompre le système capillaire et du même coup le pouvoir d'absorption à l'eau et aux substances nuisibles contenues dans l'eau, sulfates ou chlorures. Ne croyez pas que tout béton, facile à mettre en place parce qu'il contient beaucoup d'eau sera protégé par un bon pourcentage de microbulles incorporées au béton. Le bon béton n'aime pas l'excès d'eau à la mise en place car cet excès d'eau dilue le ciment. En général, un bon béton devra avoir un rapport eau/ciment de 0,45 à 0,5 ; au-delà de cette fourchette, d'un côté ce sera trop sec, de l'autre trop mouillé. Pour rester dans ces limites, il faut alors ajouter un plastifiant en plus de l'entraîneur d'air, ce qui permet de réduire le volume d'eau.
Du temps de la GIROTTE, puis ensuite au Laboratoire d'ALBERTVILLE, tous les facteurs permettant au béton de résister au gel ont été étudiés avec soin : qualité du ciment, temps de durcissement avant gel, pourcentage d'air efficace. Cela a fait en son temps l'objet de nombreux rapports et conférences de la part de J.F. Orth qui supervisait l'ensemble de ces recherches.
Une des principales difficultés dans le dosage des microbulles consiste dans la mesure du pourcentage de celles-ci dans le béton frais, lorsqu'il sort de la bétonnière et lorsqu'il est mis en place. Pour cela il a été nécessaire de mettre au point des appareils capables de donner avec précision ce pourcentage d'air entre 2 et 10 % Ce défi a été relevé par les fabricants d'appareils de laboratoire de tous les pays intéressés. Ces différents appareils utilisent la loi de Mariotte sur la mesure de la compressibilité des gaz. En général l'appareil qui sert à ces mesures est composé d'une cuve de 6 à 8 litres de volume destinée à recevoir le mortier du béton frais que l'on vibre et que l'on arase ensuite. On procède alors à la mise en place du couvercle étanche qui est muni d'un réservoir à eau et d'un manomètre précis, gradué en pression et en pourcentage d'air après étalonnage. L'air étant le seul élément compressible de ce mortier, on procède à la mise en pression (toujours la même) par pompage avec une simple pompe pour bicyclette : la diminution de la colonne d'eau peut être considérée comme proportionnelle au pourcentage d'air compris dans le béton. Cet essai doit être répété à la bétonnière et sur les lieux de travail pour éviter les dosages anormaux provoqués par l'excès d'eau ou un malaxage trop long, le pourcentage des éléments fins du sable ayant une très grosse influence sur la production des microbulles.
Pour un professionnel qui fait une visite de chantier de barrage, il sait que ce type de béton de masse est capable de supporter le poids de l'homme après vibration et il suffit, comme je le fais habituellement, de balancer son corps en faisant passer son poids du pied gauche au pied droit pour savoir s'il y a suffisamment d'air dans le béton. Si celui-ci a amorti le matelas d'air sans matelasser, le pourcentage est bon. Si vous faites bouger votre voisin sans que le béton se déchire, c'est qu'il y a trop d'eau et trop d'air, et il faut vite intervenir à la fabrication car il y a risque de chute de résistance. Le dosage de l'adjuvant entraîneur d'air est délicat pour la simple raison qu'il faut très peu de produit pour obtenir le résultat cherché. Tous les adjuvants pour béton sont dosés en fonction du poids de ciment utilisé dans le béton. Pour les plastifiants, cela se traduira pour quelques cm3 par kg de ciment, c'est à dire en 1/100, tandis que pour l'entraîneur d'air le dosage se fait en 1/1000. Il faut donc être très vigilant au moment du calcul du dosage de ce produit, sinon on dépasse les 6 % d'air occlus dans le béton et les résistances en compression et en traction chutent très vite. (à suivre) J.R. Le Cointe