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A petits pas vers des horizons plus larges...

Faire tout ce qu'on peut afin de répondre aux appels de ceux qui ont besoin de nous. Ces appels innombrables viennent de partout pour toutes sortes de choses : nourriture, santé, formation, logement, recherche d'un sens. Plus nous en ferons, plus on nous demandera d'en faire. Il faut donc choisir, chacun selon les possibilités, selon les moyens, mais aussi selon les urgences des situations à transformer. La première tentation serait de ne rien faire sous prétexte de ne pas pouvoir tout faire. On se cantonnerait alors dans l'obligatoire : se nourrir, travailler, bref s'occuper de soi. Le reste du temps, on se repose et on se distrait. On bavarde. .. On finit par ne plus entendre aucun appel venu d'autrui et quand, d'aventure, on entrevoit une action possible, on se rend compte au même moment de ce qu'elle engage. Si je donne le doigt, il faudra bientôt donner la main, puis le bras. Si je partage, on finira par me demander tout. Au même moment, cela me compliquera la vie et il en restera toujours autant à faire après qu'avant. Alors, à quoi bon commencer ? Lorsque parfois, je vois l'ambigüité de l'usage fait par certains des résultats du travail des autres, la façon dont ils sont exploités et parfois détournés de leur fin, j'y trouve un prétexte pour me retirer dans mon petit domaine habituel et finalement ne rien faire de plus que ce que je suis obligé de faire. A la limite, cela me promet un avenir de rentier. J'irai grossir les flots du troisième âge qui font la prospérité des agences de voyage. Au mieux, je ferai du baby-sitting avec mes petits-enfants. Là s'arrêtera ma participation à la construction d'un monde plus juste et plus fraternel.

Supposons que je décide de faire quelque chose. Il me faut le choisir dans la gamme des possibles. Choisir, c'est-à-dire exclure... et m'engager dans des contraintes et des possibles, c'est-à-dire dans des complications mouvantes et déstabilisantes, connaître des gens, travailler avec eux, tantôt en accord, tantôt en désaccord. Les champs du possible s'ouvrent indéfiniment à l'histoire, aux coutumes, à la vie politique, à la loi, au poids de l'opinion publique, à la pesanteur des intérêts, des peurs, des habitudes. Il faut entendre et écouter, voir et regarder, comprendre et inventer. Les obstacles stimulent ou énervent. Tantôt c'est exaltant, tantôt c'est déprimant. Les succès encouragent, les échecs découragent.

Si tous et chacun faisaient le maximum, cela irait beaucoup mieux, certes. Mais tout n'irait pas pour autant pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il y aurait encore des tornades et des inondations, la sécheresse, des maladies, l'usure des choses et, finalement, la mort. De même, il y aura toujours la paresse, l'orgueil, les prétentions dominatrices, l'égoïsme. Il faut bien toute une vie pour en combattre les manifestations en soi et chez autrui. Raison de plus pour s'y mettre sans tarder ! Et sans attendre que les autres s'y mettent pour s'y mettre soi-même. La vie n'a pas d'autre sens, même s'il est impossible de le découvrir. Pour tout dire en quelques mots : "Dieu qui est plus grand que l'univers est contenu dans un grain de blé" disent les hindous. Là est la clef de la sagesse. Car ceux qui se montrent très efficaces dans leur petit domaine doivent aller au-delà avec des idées plus larges. Il leur faut situer leurs actions dans le monde et dans l'histoire. Et ceux qui pensent très grand ne doivent pas mépriser la petitesse des entreprises possibles. Il leur faut incarner leurs vues très larges efficacement dans des actions précises. L'alliance des deux n'est jamais parfaite. On ne peut qu'y tendre. Mais on ne doit oublier ni l'une ni l'autre des deux dimensions. Et ce qu'il est impossible de faire seul, on peut parfois le faire à plusieurs.

Jean MOUSSE.