MISSION au MAROC (22 juin-13 juillet 1997)
C'est pour répondre à l'appel d'une association marocaine, l'ABDBO (Association de Bienfaisance et de Développement du Bassin de l'Ourika) qu'une mission HSF composée d'un senior (D. Normand accompagné de son épouse) et de deux jeunes ingénieurs (Chifa Tekaya et moi-même) a été organisée dans le Haut Atlas, près de Marrakech. L'objectif de cette mission était au départ de proposer des solutions techniques à des projets d'électrification de villages isolés en montagne. Les deux premiers jours à Marrakech nous ont permis de rencontrer les administrations locales responsables de l'électricité et de l'eau afin de bien cerner le cadre de notre travail. Ensuite, en route pour les villages, accessibles uniquement par des sentiers. Nous laissons le monde du moteur à explosion et de la voiture, de la télévision et de l'électricité pour rejoindre la haute vallée de l'Ourika où rares sont les objets appartenant au XXè siècle : une bouteille de gaz, un poste radio ou encore quelques récipients en plastique....
Les revenus des habitants de cette région sont très limités. Hormis le travail saisonnier de jeunes entre 18 et 30 ans -cueillette des olives dans la vallée ou travaux sur les chantiers de construction-, l'unique ressource est l'agriculture. On trouve ainsi à 2000 mètres d'altitude des céréales (blé et orge essentiellement), des patates très appréciées sur les marchés de Marrakech, des oignons. De nombreux noyers dont la production est exclusivement réservée à la vente, jalonnent les berges des oueds. J'ai été très surpris, arrivant de Grenoble -région productrice de noix- de voir des noyers à plus de 2000 mètres d'altitude, d'autant plus que l'immensité et la majesté de certains arbres font deviner qu'ils sont plus que centenaires. L'élevage de chèvres, de moutons et quelquefois de vaches est aussi une part importante de l'activité des paysans car, pour des gens qui ne pratiquent pas l'épargne monétaire, le seul moyen de couvrir les grosses dépenses (par exemple, l'achat d'un mulet) est la vente du bétail. Ce maigre surplus monétaire sert essentiellement à fournir des compléments alimentaires (fèves, tomates, huile d'olive..) et à acheter quelques biens de consommation de base (bougies, bouteilles de gaz, habits...).
La situation évolue cependant dans ces villages isolés. Depuis quelques années, un infirmier dont l'action principale est la vaccination des enfants, les visite une ou plusieurs fois par an. La mortalité infantile a tendance à diminuer bien qu'elle atteigne encore parfois un enfant sur deux: les villageois n'ont pas conscience que l'eau peut être source de maladie ! Les conditions d'hygiène au niveau des sources et des bassins sont très sommaires : eau stagnante et grouillante! La volonté d'amélioration de la qualité de vie de ces populations, encore timide au niveau sanitaire, est plus sensible dans le domaine de l'éducation. Il existe aujourd'hui une école dans chaque village. Cependant, on peut s'en douter, certains instituteurs (et institutrices) ne supportent pas toujours très bien une affectation dans ces villages où les conditions de vie sont dures et qui, de surcroît, peuvent être isolés de la vallée pendant plusieurs semaines à cause de la neige, abondante en hiver. L'apport de l'électricité et de l'eau courante seront des éléments décisifs pour l'installation durable d'enseignants dans ces villages éloignés. L'extension du réseau de pistes carrossables -qui permettra d'atteindre en 1998 le village de Taddrart (actuellement à une demie journée de marche)- est aussi un facteur d'amélioration.
L'Atlas, en particulier la haute vallée de l'Ourika, est propice à l'installation de centrales hydroélectriques car il y a à la fois de forts dénivelés et une quantité d'eau suffisante. Cette technique commence seulement à se développer pour l'électrification de zones rurales isolées ; jusqu'à présent, la population utilisait des groupes électrogènes qui nécessitaient un investissement moindre et dont elle connaissait mieux la technologie. L'équipe HSF a défini cinq sites potentiels pour l'équipement hydroélectrique. Le village de Tiourdiou par exemple qui est composé de 60 foyers de 5 à 15 personnes chacun, nécessite l'installation d'une puissance électrique de 6 kw (chute de 5 mètres et débit de 180 l/s). Ce chiffre peut paraître faible, mais les seuls besoins réellement exprimés à ce jour ne concernent que l'éclairage... la radio et la télévision! Ce qui ne nous empêche pas d'envisager l'utilisation future de machines électriques, telles qu'un moulin électrique par exemple, et donc d'augmenter la puissance.
Nous avons été aussi amenés à étudier les problèmes liés à l'utilisation de l'eau, notamment lors d'une visite du plateau de Timenhar proche de la vallée de l'Ourika mais où les ressources en eau sont beaucoup plus faibles. Ici, l'aménagement des sources et des captages peut amener de grandes améliorations en termes de qualité (création de bassins séparés pour les bêtes et la consommation humaine) et en termes de quantité (creusement de puits dans le lit des rivières qui sont souvent à sec l'été). De plus, les ouvrages tels que les bassins de retenue ou les canaux sont construits en matériaux traditionnels (pierres et terre) et sont donc souvent très perméables. L'introduction de matériaux nouveaux comme le ciment ou les canalisations plastique devrait permettre d'optimiser le fonctionnement de ces ouvrages.
Les habitants de ces régions d'altitude du Haut Atlas ont sans conteste besoin d'aide car ils n'ont ni les moyens économiques ni les connaissances nécessaires pour satisfaire des besoins quelquefois très élémentaires, pour accéder à un confort de vie qui se trouve très près d'eux, dans la vallée, à Marrakech. Aussi, on est d'autant plus étonné que l'exode rural n'existe pas dans ces villages qui continuent aujourd'hui de s'agrandir ; on est d'autant plus impressionné quand on saisit la sérénité d'un instant ou d'un visage, quand on partage la joie de la danse offerte. Appartenons-nous tout à fait à la même planète ?