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L'AVENIR DES TURBINES HYDRAULIQUES EN FRANCE

Un conflit à NEYRPIC

Depuis 3 mois, NEYRPIC, fabricant de turbines hydrauliques, filiale du groupe franco-britannique GEC-ALSTHOM, vit un conflit douloureux. Un plan social touchant 149 personnes, sur les 579 que compte la Société à Grenoble, est refusé par la majorité du personnel. Les cadres, en presque totalité, se sont mobilisés contre ce projet. Ce fait nouveau constitue la grande originalité de la crise. Malheureusement, l'attitude intransigeante de la direction fait qu'aucune solution n'est encore en vue.

Sans entrer dans les péripéties et les circonstances de ces évènements, c'est l'occasion d'analyser l'évolution d'une société fabriquant des biens d'équipement lourds dans l'environnement mondial actuel.

Les crises sont-elles inéluctables ?

NEYRPIC a dû beaucoup évoluer au cours de son histoire mouvementée. A l'époque de l'équipement des grands barrages hydroélectriques français, l'effectif employé était de plus de 3 000 personnes avec de très gros ateliers de fabrication. Aujourd'hui, le marché a quitté l'Europe et est devenu mondial.

L'unité grenobloise s'appuie sur des unités réparties dans plusieurs pays et constitue le pôle principal de la conception hydraulique des machines. Elle dispose pour cela d'un laboratoire d'avant-garde où sont mises au point les machines vendues dans le monde entier. Mais le contexte est difficile. Outre la saturation du parc français, la société doit faire face à une concurrence acharnée entre constructeurs européens et japonais. Ceci entraîne une forte chute des prix du marché.

Dans le passé déjà, plusieurs restructurations ont été nécessaires pour coller aux nouvelles donnes économiques. Des crises ont révélé les tensions du corps social de l'entreprise. On a recensé plus d'une dizaine de conflits sociaux durs. Evidemment, les temps de réponse très longs associés à la fabrication d'équipements lourds ne facilitent pas la souplesse d'adaptation, mais pourtant la question se pose de savoir si une évolution moins conflictuelle est possible. Il est clair qu'il a manqué plusieurs éléments pour cela : une vision claire et prospective de l'avenir malgré les gros aléas de la conjoncture mondiale ; l'acceptation par la majorité de la nécessité d'une adaptation permanente malgré les sacrifices que cela impose ; une participation de tous à la mise en oeuvre de solutions concertées malgré les tentations autoritaires.

En effet, tout cela réclame un changement des mentalités. Cette leçon est valable pour toutes les industries lourdes semblables. Si tout séisme ne peut être ainsi évité, les effets en devraient pouvoir être plus faciles à supporter. Marché externe et activité en France

Le marché prometteur dans le domaine des turbines hydrauliques est aujourd'hui le marché asiatique. Le matériel européen a très bonne cote auprès des investisseurs et des exploitants de ces pays. Les possibilités d'équipement sont énormes comme les besoins. Il est donc logique de concentrer une grande partie de nos efforts vers ces débouchés. Mais, en contrepartie, une part locale de fabrication est exigée, ainsi qu'un inévitable transfert de technologie. Ce mouvement est déjà amorcé depuis plusieurs années. Même si cela n'est pas pour l'absolu immédiat, le danger existe donc d'être rattrapé, puis exclu du marché. Pour conserver l'avance technologique qui seule rendra nos fournitures attractives, il n'y a pas d'autre choix que de développer une capacité d'innovation suffisante par la mise en oeuvre de moyens adaptés. Mais en a-t-on bien la volonté ?

La nécessité de faire face

L'adaptation de l'entreprise à ce contexte difficile ne doit pas être dictée par la seule logique financière. La cohérence industrielle doit s'imposer. Si l'on veut conserver à Grenoble le coeur de la technologie française des turbines, on ne doit pas y faire que de la conception et du suivi d'affaires, mais tous les métiers doivent être conservés. En particulier, les fabrications sont vitales pour assurer un retour d'expérience. En ce domaine, un volume critique de travaux est nécessaire, quitte à renforcer les créneaux comme la réhabilitation des machines anciennes ou à développer de nouveaux débouchés. Mais prend-on les dispositions pour cela ?

Les voeux d'avenir

Terminons par une note d'optimisme soulignée par l'encadrement dans une lettre à la Direction. Si cette dernière s'est avérée incapable d'ouvrir un dialogue constructif et efficace, les cadres, en revanche, ont su établir entre eux des relations de franchise et de confiance, porteuses d'une amélioration potentielle du fonctionnement de l'entreprise, ne serait-ce que du fait du décloisonnement qui en résulte.

Espérons que tous sauront tirer profit de cette expérience douloureuse pour donner à NEYRPIC les moyens de faire face aux défis à venir.
 
 


Neyrpic-CHINE

C'est depuis mai 1979, date du premier projet français du grand barrage de Long Tan que je n'ai cessé de préconiser des matériels français, et en particulier les matériels Neyrpic, pour équiper la dizaine de grands barrages hydroélectriques chinois que j'ai étudiés. En effet, ces équipements outre leurs qualités techniques induisent des économies substantielles en génie civil. Par exemple :

Cet automne encore, je suis invité en Chine comme consultant pour quelques 20 petits aménagements hydroélectriques (barrages de 100-120 m et centrales de 30-40 Mw) où les équipements français seraient les bienvenus.

La récente implantation de Gec-Alsthom-Neyrpic à Tian Jin n'est-elle pas une chance nouvelle pour être mieux placé sur le marché chinois ? On peut fabriquer sur place la majeure partie de la "grosse cavalerie" (tabliers de vannes, baches spirales et aspirateurs) alors que le savoir-faire et l'expérience des ateliers grenoblois leur permettraient de conserver la fabrication et l'usinage des pièces les plus délicates, voire même de les perfectionner (vérins hydrauliques et étanchéités inox des vannes, paliers et directrices de turbines Francis, injecteurs pour Pelton...)

Ils pourraient gagner ainsi de nouveaux marchés, donc maintenir et même augmenter le nombre d'emplois en France.

Mais c'est une politique de longue haleine où la seule logique financière ne suffit point !

Brice WONG.