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MICRO-REALISATIONS,

SOLUTIONS OU ILLUSIONS DE DEVELOPPEMENT ?

Ce débat a toujours été fort animé à l'intérieur d'H.S.F. comme avec nos partenaires et revient périodiquement à l'occasion de nos différents projets. C'est sûrement une richesse que cette remise en cause permanente de nos certitudes, empêchant toute sclérose et toute bonne conscience facile. C'est pourquoi le thème du XIVè Forum d'Agen nous intéresse au premier chef. "Small is beautiful" ?

Les microréalisations sont considérées comme des projets "à taille humaine", maîtrisables par les populations villageoises qui en "feront leur affaire" et la plupart des ONG ont préféré se limiter à celles-ci, en saine réaction contre certaines opérations de prestige, trop souvent aussi dispendieuses qu'inutiles, "éléphants blancs" de la coopération officielle,

Mais est-ce une condition suffisante pour éliminer tout dérapage ? Certaines microréalisations qui, au départ, devaient bénéficier à tout un village, n'ont-elles pas été parfois confisquées au profit de quelques notables ?

Et pourquoi limiter notre coopération à tel village... et ignorer les voisins qui ont les mêmes besoins et sont tout aussi motivés.? Preuves tangibles d'une efficacité immédiate, certaines micro-réalisations ne risquent-elles pas de devenir seulement des vitrines rassurantes pour motiver donateurs et bailleurs de fonds ?

Quant aux "macroréalisations", comment les définir ? Faut-il adopter le classement officiel et n'appeler "grands barrages" que ceux qui dépassent 20 m de hauteur ? Un projet d'irrigation de plusieurs milliers d'hectares est-il encore une microréalisation ? Mais, en pratique, elles se caractériseraient moins par les dimensions d'un ouvrage que par l'utilisation des "technologies du nord", parachutées dans une région, dans un village, sans intervention possible de la population.

Des exemples de ce type existent, il ne faut pas le nier. Mais, à cause de ces erreurs, faut-il

rejeter en bloc les "technologies du nord" ? Ces projets ne méritent-ils pas une analyse pertinente de la part que peuvent et doivent prendre les villageois dans la transformation de leur milieu?

Plutôt qu'un débat théorique, nous pensons préférable de partir de notre propre expérience concrète, projets étudiés ou réalisations, pour tenter une analyse plus fructueuse et efficace.

En Mauritanie, l' aménagement de N'Diéo ( barrage de Bou Amama)

Au départ, HSF avait proposé un ouvrage déjà bien modeste (barrage de 5 m de hauteur au-dessus du terrain naturel de la cuvette) qui, avec une capacité de 1,8.106 m3, devait optimiser la retenue des apports naturels et permettre de valoriser au mieux les possibilités de cultures non seulement pour le village de N'Diéo, mais aussi des hameaux voisins de Guénétir, Daouas et Soufa.

élaboré en accord avec le Gouvernement

L'exigence officielle du Gouvernement mauritanien de limiter à 600 000 FF les investissements autorisés pour une microréalisation a conduit à réduire les dimensions de l'ouvrage (4m de haut au-dessus du terrain naturel de la cuvette et 8 m localement au droit de l'oued), avec tout de même un évacuateur capable d'évacuer la crue de projet de 500 m3/s.

en dialogue avec les populations

Il y faudra une pédagogie de longue haleine.

C'est pourquoi l'engagement du Gouvernement est requis non seulement pour le prêt d'engins de terrassement à la construction, mais aussi pour un encadrement technique : "envoi de techniciens motivés et acceptés par les habitants du village", présence d'un responsable sanitaire et affectation d'un poste d'instituteur pour faire face aux nouvelles situations (risques de maladies, problèmes de gestion...)

Il faut souligner aussi que la réalisation de cet aménagement est souhaitée vivement par les Ressortissants (qui y consacrent un effort financier et humain considérable : 150 000 FF), parce que certains émigrés en France, à Nouakchott ou ailleurs en Afrique (en Lybie particulièrement) espèrent pouvoir effectuer leur retour au village. Encore faut-il que les conditions s'améliorent !

En évitant une solution technique toute faite parachutée par des experts extérieurs, nous avons essayé par un dialogue constant de répondre aux véritables besoins et demandes des villageois, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs représentants (Association de Ressortissants à Paris et Responsables en Mauritanie qui ont la confiance des populations).

Nous sommes donc bien loin des "mythes des gros barrages" ou des espoirs grandioses suscités par les études de HSF ou du Ministère du Développement Rural que certains ont pu nous reprocher alors qu'en même temps les villageois se plaignaient de notre trop grande prudence et de la longueur des études et d'une réflexion qui auraient retardé le démarrage des travaux, mais que nous estimions nécessaires pour ne compromettre aucune chance pour l'avenir.

Au Maroc "L'eau coule à Imgoun... "

...grâce à la construction de 2 barrages qui ont joué leur rôle de retenue et fait monter l'eau de la nappe phréatique" (Lettre de Migrations et Développement) ... grâce à une série de digues en terre et de murettes en pierres.

Pour Paul C. : "Cet ensemble doit constituer une espèce de "gaufre" qui retiendra la moindre pluie, le moindre orage, évitant toute perte par écoulement vers la mer. L'eau de pluie, filtrant vers le sol, devrait approvisionner la nappe phréatique et remplir sources et puits un peu plus bas"

... 1995 s'avère une année dangereuse pour le projet qui est entré dans le collimateur des organisations "de développement". L'argent arrive, et avec lui la technologie du nord. On tombe dans la tentation du "macro". On a les moyens de transformer les digues de terre en barrages plus élevés qui devraient accumuler plus d'eau ; c'est la rentabilité de la perspective dite scientifique. Deux barrages ont été surélevés en râclant la terre arable des champs voisins -champs fertiles que le projet initial prétendait irriguer et fertiliser par épandage des limons arrachés aux pentes"

Pourquoi opposer les deux "macro-barrages"(!?) proposés et réalisés sous la responsabilité d'HSF aux très intéressants travaux de DRS (défense et restauration des sols) accomplis sous la direction de P.C. que nous avons toujours soutenu dans ce domaine (voir "pas de barrages sans travaux de DRS" p.8 du Journal HSF n° 8).

Conclusions

Que ce soit pour des micro ou macro ouvrages, si l'art de l'ingénieur consiste à 'adapter les ouvrages aux difficultés du terrain -et non l'inverse, l'essentiel est d'abord de répondre aux vrais besoins des populations et de prendre les moyens techniques adéquats pour y arriver. Ainsi, vouloir retenir la furie des eaux -même d'un tout petit oued asséché en temps normal- avec de simples levées de terre réalisées en quelques heures de bulldozer, sans compactage et sans évacuateur de crues, est un gâchis quand elles sont détruites dès la première crue ... même si les travaux n'ont pas coûté très cher. De même, ce n'est pas avec des micro-barrages que l'on pourra maîtriser les grands fleuves du Viet-Nam ou de Chine. L'opposition micro-macro que certains brandissent nous semble obscurcir le seul vrai problème: la place de l'homme dans la transformation nécessaire de son environnement.

L'appropriation et la maîtrise de son milieu par l'homme requièrent avant tout une éducation patiente et persévérante. Lorsque des ONG refusent à priori des projets d'une certaine ampleur ne manifestent-elles pas la crainte de manquer de compétences techniques,d'être dépassées par les évènements, de perdre leur propre pouvoir?

Pourquoi ne pas profiter plutôt de la complémentarité des différentes associations et de leurs compétences réciproques, et coordonner leurs actions pour éviter tout gaspillage d'énergie et de moyens ? Et que le débat continue à HSF comme à Agen et avec nos différents partenaires !

Brice WONG.