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MISSION ROUMANIE

du 24 mars au 13 avril 1996

Je souhaitais intégrer des projets de développement à l'étranger, dans le domaine des métiers de l'eau...

Première prise de contact ; je reçois très cordialement une convocation pour me rendre à une réunion d'HSF Paris le 16 février. Cette réunion est l'occasion pour moi de prendre la température de cette association humanitaire, que je découvre, et ainsi rencontrer André Lefeuvre, responsable d'un projet en Roumanie pour Hydraulique sans Frontières depuis quelques mois. C'est avec grand intérêt que j'observe les actions entreprises par HSF et l'envie de m'investir concrètement est quasi immédiate. Mon rêve devient réalité le 24 mars quand je m'envole pour Bucarest au côté de cet ingénieur-conseil fort sympathique, j'ai nommé André Lefeuvre.

Comme le décrit l'article du Journal HSF n°13, l'objectif de notre mission était la gestion de l'eau au niveau local.

Nous avons donc réalisé, en collaboration avec le Ministère des Travaux Publics et de l'Aménagement du Territoire, une expertise institutionnelle pour recenser les besoins réels en eau et la ressource financière des habitants afin d'envisager une tarification et un mode de gestion adaptés.

Pendant les trois semaines de notre séjour, nous avons travaillé sur deux communes : Redea en Oleni et Catalina dans le département de Covasna. Nous avons rencontré les différents responsables locaux qui contribuent à la réalisation de ces équipements ruraux et pris connaissance des études de préfaisabilité déjà réalisées par des bureaux d'études roumains.

En plus de sa composante technique et financière, cette mission avait une importante dimension sociale. C'est sur ce point que je voudrais plus largement faire part de mes impressions.

La Roumanie, longtemps coupée du reste du monde, a aujourd'hui une incroyable volonté de s'ouvrir sur l'extérieur. Même si les pouvoirs politiques en place, malgré une étiquette libérale, tendent à conserver un régime totalitaire, une part importante de la population semble vouloir entreprendre des actions pour un mieux-vivre social, politique et économique. Cependant, il est assez surprenant d'observer, malgré ce souci d'agir, que les mentalités s'inscrivent toujours dans le contexte de l'Etat-Providence.

Il était donc important pour nous d'essayer de transmettre une autre façon de voir les choses et ainsi responsabiliser les populations dans les projets qu'elles souhaitent mettre en place maintenant. A de nombreuses reprises, nous utilisions l'exemple de la "voiture" pour faire passer notre message. En effet, en considérant que l'apport de fonds extérieur par le biais de notre intervention correspond au don d'une voiture, les Roumains se doivent dès lors d'assurer son fonctionnement (mettre de l'essence, de l'huile...) et de prendre en charge les frais d'entretien (changer les pneus, l'éclairage, etc...).

Dans l'ensemble, et suivant la classe sociale de nos interlocuteurs, je pense que notre discours a été entendu. C'est une bonne intention que de vouloir apporter un autre courant de pensée plus juste et plus moral, mais encore faut-il qu'il soit compatible avec la société dans laquelle on désire l'appliquer. C'est là, à mon sens, que se situe tout l'intérêt de ce genre de mission : trouver le terrain d'entente entre deux systèmes économiques et culturels distincts.

Pour cela, il est nécessaire de s'entretenir longuement avec les représentants territoriaux et ainsi percevoir, au fil des jours, les véritables préoccupations de chacun. Il était particulièrement amusant d'entendre le maire de Redea vouloir développer dans un premier temps le réseau de distribution d'eau au sud de la commune. Il argumentait que le nord du village était déjà alimenté par des puits ponctuels et la priorité se situait donc au sud. Seulement, en poursuivant un peu plus loin nos expertises, il s'est avéré que le nord était tout à fait dans le même état d'urgence que tout le reste du village, mais que M. le maire habitait au sud.

C'est en étant véritablement confronté à ce genre de situation que l'on s'aperçoit de l'importance des missions sur le terrain et que le travail relève parfois plus de la sociologie que de toute autre science.

Tout au long de notre voyage, nous avons toujours reçu un accueil très chaleureux et l'hébergement chez l'habitant est sans conteste la formule la plus humaine pour découvrir un pays et sa population.

J'ai eu beaucoup de plaisir et d'émotions à vivre et respecter les coutumes locales, même si parfois elles sont un peu dures à accepter, notamment quand il s'agit de vodka au petit déjeuner. La Roumanie ne m'a sûrement pas encore révélé toutes ses richesses et il me tarde déjà de retourner dans ce pays en marche vers la démocratie.

Je tiens également à souligner l'ingéniosité d'Hydraulique sans Frontières en ce qui concerne la formation des binômes "Jeunes-Anciens". Cette méthode est synonyme d'apprentissage, d'échange, de mise en pratique et de transfert d'expériences, composantes indispensables à notre insertion dans le monde du travail d'aujourd'hui.

Tout simplement merci !!

Damien RABUTEAU.