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Frère Adrien, un " sacré " personnage...

Les monastères de St Benoît de Koubri, à une cinquantaine de km de Ouagadougou (Burkina-Faso), sont bien connus pour la beauté de leur liturgie africaine, accompagnée par des chants rythmés aux sons des tam-tams, tambours et autres djembés…

Mais ce 5 novembre, dernier dimanche de notre mission à Coalla et à Tuilli, c'est d'abord pour rencontrer le Frère Adrien que nous nous sommes retrouvés à une messe exceptionnellement longue !! (même pour l'Afrique)… deux heures et demie.

Connu de tous les spécialistes de barrages du Burkina et de l'ONBAH (Office National des Barrages et Aménagements Hydrauliques), Frère Adrien, après 40 ans de travail, a inscrit à son actif la réalisation de 83 petits barrages !

Barbe fleurie célèbre, et les 75 ans alertes, Frère Adrien nous a emmenés tambour battant, faire une tournée ultra rapide des 4-5 barrages les plus proches des monastères : rizières aux épis vert tendre, champs de maraîchages prospères, oasis de fraîcheur qui contrastent avec la sécheresse générale et nous remplissent d'admiration.

Mais Frère Adrien nous fait remarquer le manque d'entretien de tous ces ouvrages, malgré les promesses des villageois : griffures d'érosion sur les parements avals, chemin de crête d'un barrage abîmé par les passages des camions-sondeurs pour forages d'eau, évacuateurs de crues ou passes à poissons dont la maçonnerie non entretenue se délite, pompes en pannes…

Ses collaborateurs ? Une équipe de paysans burkinabés fidèles dont certains comme Ousman, l'accompagnent depuis les débuts, et ont acquis une expérience certaine… comme nous nous en sommes aperçus lors d'une visite la veille au village de Pointenga, assez proche de Tuili.

Les villageois se sont inspirés d'un barrage construit par Frère Adrien sur le même oued, à l'aval. De leur propre initiative et avec leur propre financement (paiement de 125 sacs de 50 kg de ciment), ils avaient réussi à construire un petit barrage poids déversant, en maçonnerie de blocs de latérite, aux formes un peu chahutées mais d'excellente facture…

Ce barrage est resté intact, mais sa retenue s'est vidée par deux gros conduits d'érosion creusés sous les fondations (insuffisamment profondes) des ailes du barrage et sur chaque rive.

Nous avons pu alors admirer la justesse d'analyse d'Ousman, malgré son manque de formation théorique…

Frère Adrien a t-il réussi à mobiliser les villageois pour travailler à la pelle et à la pioche ? Comme à Coalla ou à Po ?

Il a bien essayé mais sans trop de succès, car si les femmes sont courageuses, les hommes de la région trouvent la terre trop basse et l'ombre des arbres plus agréable que le dur soleil africain. Seul travail manuel efficace, la mise en place  des blocs de latérite…

Aussi, c'est grâce à des prix relativement bas obtenus auprès d'un entrepreneur qu'il réussit à construire ses barrages… Mais pour l'entretien et la réparation des ouvrages, il n'est plus question d'engins.

Frère Adrien a t-il réussi à communiquer sa passion des barrages à ses collègues bénédictins et à assurer ainsi la relève par des plus jeunes ?

Jusqu'ici aucune vocation d'hydraulicien ne s'est encore manifestée chez les jeunes moines. Pourtant, si dans l'antiquité gréco-romaine le travail manuel était réservé aux esclaves, Jésus de Nazareth en avait réhabilité la noblesse et à sa suite tous les ordres monastiques l'ont intégré dans leur vie quotidienne. Il en est de même pour les Prêtres ou Frères ouvriers de notre génération qui avaient choisi pour monastères les chantiers des grands barrages EDF.

Alors, pourquoi ne peut-on trouver à Koubri des jeunes moines qui, par Amour de Dieu et de leurs frères les Hommes, acceptent de consacrer du temps à travailler manuellement avec les villageois pour construire des ouvrages hydrauliques ?

A HSF, nous ne manquons pas de jeunes et de moins jeunes, croyants ou non, qui trouvent aussi normal de travailler à la pelle et à la pioche qu‘intellectuellement. Ils font ainsi avancer la fraternité et la solidarité humaine, et de façon concrète.

A Koubri, je n'ai pu m'empêcher de penser aussi à la mission de Richard, Marie-Thérèse, Laure et Sébastien au monastère de Basotu en Tanzanie. Avec le Père Abbé Bitz (une force de la nature), ils ont réussi à faire participer les moines tanzaniens de St Augustin, aux travaux de creusement des puits, de gâchage du béton, de ferraillage de réservoir...

Malgré ces quelques déconvenues et déceptions, Frère Adrien continue à "phosphorer" pour moult projets à venir… et HSF serait tout à fait partante pour travailler avec lui et pourquoi pas, sous une forme ou sous une autre, contribuer à continuer son œuvre de moine bâtisseur de barrages. En synergie avec les villageois, comme à Coalla et nous l'espérons aussi à Tuili, en faisant équipe avec de jeunes moines français ou burkinabés, tous profiteront de la précieuse expérience de Frère Adrien.

Brice Wong
PS : Un petit barrage près de Ouagadougou, a été construit à la main par des "fonctionnaires", suivant la volonté et sous la haute férule du Président Sankara lui-même. Ce barrage s'est rompu à sa première mise en eau et, depuis, qui dit ouvrage fait à la main dit mauvaise qualité d'exécution au Burkina Faso.